Entrevue avec Dres Isabelle Bradette et Claudel Pétrin-Desrosiers
Parler de saines habitudes de vie à ses patients fait désormais partie de la routine. Mais ajoutés à l’alimentation, à l’exercice, à la gestion du stress et au sommeil réparateur, les médecins parleront de plus en plus… des bienfaits de la nature. En partenariat avec le programme PaRx, Prescri-Nature est le premier programme national de prescriptions d’exposition à la nature basé sur des données probantes. Comme l’expliquent les Dres Isabelle Bradette et Claudel Petrin-Desrosiers, membres du collectif Prescri-Nature, l’exposition à la nature s’impose comme un nouveau pilier de la santé.
Une initiative qui traverse le pays
C’est en Colombie-Britannique, en 2020, qu’une équipe de professionnels de la santé convaincus des bénéfices de l’exposition à la nature, tant sur le plan physique que psychologique, a créé le programme PaRx. C’est une initiative de la Fondation des parcs de la Colombie-Britannique, dirigée par des professionnels de la santé soucieux d’inciter leurs patients à aller en nature, à profiter des bienfaits et du plaisir d’être dehors. Rapidement, d’autres provinces comme l’Ontario et la Saskatchewan ont emboîté le pas, et plus récemment, l’Alberta, le Manitoba et les provinces maritimes. Puis, l’an dernier, quelques professionnels de la santé québécois – médecins, pharmaciens et vétérinaires – ont décidé de s’inspirer de PaRx et de créer Prescri-Nature. « Il y a de nombreux médecins qui désirent conscientiser leurs patients et la population en général aux bienfaits de la nature », explique avec enthousiasme la Dre Claudel Pétrin-Derosiers, médecin de famille, chargée d’enseignement clinique au Département de médecine familiale et d’urgence de l’Université de Montréal et présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement.
Avec l’objectif de rendre accessible son programme à travers le Canada en s’alliant des partenaires provinciaux, PaRx offre une plateforme qui regroupe divers outils, appuyés par des données scientifiques, afin d’aider les professionnels de la santé à élaborer une prescription de temps d’exposition à la nature de manière efficace, accessible et stimulante. Selon la littérature scientifique, une exposition à la nature d’environ deux heures par semaine, par tranches de 20 à 30 minutes, suffit à améliorer la santé et le bien-être psychologique de façon notable. « C’est beaucoup plus simple qu’on le pense! Ce n’est pas obligé d’être un séjour en camping », lance la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers.
Des bienfaits mis en évidence
La nature offre d’immenses bienfaits, de mieux en mieux répertoriés : elle améliore la santé physique, évidemment, mais également l’estime de soi en générant un sentiment de joie, de bien-être et d’apaisement, dissipant la fatigue mentale de nos esprits surstimulés. « Les professionnels de la santé sont de plus en plus conscients et intéressés par ces bénéfices, mais ce n’est pas encore enseigné dans les programmes de médecine », se désole la Dre Isabelle Bradette, médecin de famille et professeure adjointe à la FMSS de l’Université de Sherbrooke au Programme de formation médicale à Saguenay. « Dans mes cours, j’en parle toujours à mes étudiants, même si ce pilier de la santé n’est pas encore reconnu au même titre que l’exercice ou l’arrêt tabagique. L’intégration de l’exposition à la nature n’est pas encore inscrite dans les pratiques de la communauté médicale, nous n’en sommes qu’aux balbutiements. Pourtant, c’est bien ancré dans les données scientifiques », ajoute-t-elle avec conviction.
En effet, il est démontré que la nature offre à l’humain un espace d’introspection, une occasion de se reconnecter avec ses émotions, ses valeurs et ses croyances. La diminution des bruits environnants et des stimuli reliés au quotidien étourdissant de la vie urbaine. Le cerveau bénéficie grandement de l’environnement calme et contemplatif proposé en nature. « Et le plus beau, dans tout ça, c’est qu’il n’y a pas d’effet néfaste démontré, ce qu’aucun médicament ne peut offrir », se réjouissent les deux médecins, toutefois conscientes du grand travail de démystification à accomplir, tant auprès des professionnels de la santé que du grand public.
C’est une raison de plus pour adapter le programme au Québec et traduire en français les informations qui se retrouvent sur la plateforme de PaRx. « Cette plateforme gratuite et accessible à tous est une ressource inestimable pour les professionnels de la santé, puisqu’elle présente des données scientifiques et des données probantes sur les bienfaits de l’exposition à la nature. Pour le public, il y a de l’information très concrète, notamment concernant différents problèmes de santé. Nous voulons partir de là pour y mettre notre couleur locale. On a des idées de grandeur », explique avec enthousiasme la Dre Isabelle Bradette.
L’occasion d’un dialogue
Comme l’explique la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, en plus d’offrir divers outils éducatifs, le programme Prescri-Nature est une belle occasion de créer le dialogue avec les patients. « On accompagne les patients en les sensibilisant aux bienfaits de l’exposition à la nature, comme la diminution du stress, de l’anxiété et de la dépression. On peut leur présenter les différentes possibilités de le faire. Bien des gens le savent déjà, mais de se le faire dire par un professionnel de la santé est excellent pour consolider l’intérêt. » En outre, profiter de la nature donnera davantage l’envie concrète de la protéger puisqu’on devient encore plus conscients qu’elle est directement liée à notre santé. « C’est un incroyable effet domino! »
Autre idée derrière Prescri-Nature, c’est justement le geste de prescrire! « Pour un patient, une prescription est plus fort qu’un simple conseil verbal; la prescription a plus de poids et décuple les chances d’observance », souligne la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers. Des études ont en effet démontré une meilleure adhésion à un traitement par un patient, qu’il soit pharmacologique ou non, lorsqu’il est prescrit par écrit par un médecin ou un professionnel de la santé. « Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue qu’il ne faut pas une prescription pour aller en nature! Il ne faut pas non plus médicaliser l’exposition à la nature. »
« Quant aux médecins, le programme peut les aider à prescrire, car ce n’est pas encore intégré dans la pratique », ajoute la Dre Isabelle Bradette. « Quand un patient vient consulter son médecin, quel que soit le motif, il lui parlera de nutrition, de sommeil, d’exercice, mais encore trop peu de professionnels parlent des bienfaits de la nature. Quant à moi, je questionne toujours le patient sur sa proximité avec la nature. »
Les promesses sont réelles et les efforts à déployer encore grands, concluent d’une seule voix ces deux membres du collectif Prescri-Nature qui travaillent à ce projet avec beaucoup d’énergie depuis déjà plus d’un an. Médecins francophones du Canada est fière de soutenir ce projet et désire y collaborer activement.
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Découvrez le programme Prescri-nature et ses nombreux outils, dont la page pour les prescripteurs (des feuillets explicatifs pour les patients se trouvent en bas de la page) et un bottin des ressources: https://www.prescri-nature.ca/ressources.