Capsule scientifique tirée de la conférence de Claude Villeneuve – Congrès annuel de médecine 2019 – Médecins francophones du Canada
Peut-on encore douter d’un réchauffement du climat planétaire, alors qu’il s’accélère? Si le constat peut angoisser, et que ses effets réels menacent la santé de diverses manières, comprendre la situation permet de « réagir pour l’avenir »*. Claude Villeneuve, biologiste, chercheur et professeur titulaire au Département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi est aussi récipiendaire en 2017 de la médaille Paul Harris du Rotary International pour sa contribution à l’avancement mondial du développement durable. Il demeure optimiste, quoique lucide. En vue de prévenir et de s’adapter, il décortique pour nous quelques facettes des changements climatiques. Premier article d’une série deux.
Les composantes de la machine climatique
À travers les époques, à travers les climats extrêmes de la planète bleue, l’humanité s’est adaptée : elle a modifié son habillement, sa diète, ses comportements, créé ses différentes cultures pour s’adapter à son environnement tout en le transformant pour satisfaire ses besoins. « Avec l’agriculture, nous avons transporté et acclimaté des plantes et des animaux à la base de notre alimentation bien au-delà de leur aire naturelle de répartition » illustre Claude Villeneuve. Depuis l’ère industrielle, nous avons développé grâce à l’exploitation de combustibles fossiles notre indépendance face au climat. En transformant nos habitats, nos styles de vie, maximisant nos activités et nous nourrissant indépendamment de la saisonnalité, nous avons également provoqué des transformations dans la composition de l’atmosphère et des changements climatiques planétaires.
En un siècle et demi, l’espérance de vie a plus que doublé dans les pays développés. La démographie a explosé. Nous profitons également d’une mobilité extrême. Des progrès indéniables qui pourtant ont un coût élevé en provoquant des changements à l’échelle planétaire. Ces incidences climatiques ont des impacts directs et indirects sur la santé.
Pour mieux saisir ces conséquences diverses, Claude Villeneuve juge important de bien comprendre les conséquences climatiques, dont l’énergie demeure un élément clé. «L’énergie entre dans le système climatique sous forme de rayonnement solaire qui n’interagit pas avec les gaz de l’atmosphère. Toutefois, la lumière est transformée en infrarouge après avoir été absorbée par des surfaces colorées, son énergie est absorbée par les molécules gazeuses qui comportent trois atomes ou plus qu’on appelle les gaz à effet de serre, retenant une partie de l’énergie dans la troposphère avant d’être réémise vers l’espace. » Ainsi, l’énergie lumineuse du soleil est distribuée par les composantes de ce système, hydrosphère, atmosphère, lithosphère et biosphère. « Par exemple, la lumière est transformée en chaleur par interaction avec les surfaces éclairées en fonction inverse de leur albédo, cette fraction d’énergie lumineuse renvoyée par un corps non lumineux. » Le cycle de l’eau est un vecteur important pour répartir l’énergie partout sur la planète. L’eau présente en effet une grande capacité thermique. Les océans accumulent la chaleur et la transfèrent à l’atmosphère par l’évaporation. Les nuages et les courants marins transportent alors cette chaleur, entre les zones tropicales et les latitudes plus élevées. La convection et les forces de Coriolis déplacent d’énormes quantités d’eau, donc de chaleur. Dans les latitudes nordiques et en Antarctique, la neige et la glace ont un albédo élevé, ce qui contribue à refléter la lumière sans la transformer en chaleur ce qui contribue à refroidir le climat local. Autant d’interactions complexes, réparties de façon inégale, et qui influencent la machine climatique.
Et les gaz à effet de serre?
Alors qu’ils font tant parler d’eux, les gaz à effet de serre (GES) ne sont en fait qu’une composante mineure de l’atmosphère (un peu plus de 0,04%). Les plus importants sont liés aux cycles naturels du carbone et de l’azote et quelques-uns sont des produits par l’activité industrielle. Ils ont tous une durée de vie plus ou moins longue et un potentiel variable de rétention de la chaleur. Dans le calcul des données climatiques, seuls les gaz à longue durée de vie sont comptabilisés. « Le méthane, par exemple, a une durée de vie relativement courte, mais un fort potentiel de réchauffement global » explique Claude Villeneuve. Ce biologiste et spécialiste des changements climatiques ajoute que le potentiel de réchauffement global (PRG) des GES est établi sur des périodes de 20 ans, de 100 ans et de 500 ans. Il varie en fonction du taux d’absorption de différentes longueurs d’ondes et des mécanismes de destruction des gaz. Il est important de les comparer sur les mêmes bases. Par convention, c’est le PRG sur 100 ans qui sert de point de référence.
Les GES agissent comme un édredon gazeux : « Toutes les molécules gazeuses comportant plus de trois atomes ont un certain potentiel d’interaction avec une partie du rayonnement infrarouge. Et telle une couverture, ils retardent la diffusion de la chaleur vers l’espace » précise le spécialiste. L’addition de GES par l’humanité provoque l’augmentation de la quantité de chaleur retenue dans le système et la transformation de la surface terrestre diminue l’albédo, augmentant en proportion le rayonnement infrarouge réémis par le sol.
Bref, le climat explique les variations des conditions de l’atmosphère localement ou globalement sur de longues périodes, alors que la météo explique la chose sur une courte période. « Le climat varie naturellement localement, régionalement et globalement. L’ampleur et la vitesse de ces variations sont plus ou moins prévisibles à long terme » explique le scientifique. Si depuis 10 000 ans le climat a été relativement stable, depuis la fin du 19e siècle, il subit des anomalies dont la cause n’est pas naturelle.
« Le climat planétaire a varié naturellement dans l’histoire de la Terre à la faveur de divers phénomènes indépendants de l’activité humaine, mais ces changements sont généralement progressifs » conclut Claude Villeneuve. Ce sont les changements brusques qui causent souci. « Des phénomènes qui se produisent sur la durée de vie d’une génération obligent une adaptation des individus qui n’ont pas nécessairement le bagage génétique pour y arriver. Cela peut impacter profondément certaines espèces. Il en va de même pour la santé humaine. Même si nous nous sommes adaptés à tous les climats comme espèce, les variations inhabituelles des conditions climatiques dans un lieu précis peuvent affecter les personnes les plus fragiles. Elles peuvent aussi affecter les espèces dont nous nous nourrissons ou notre approvisionnement en eau potable, ce qui amène un stress d’adaptation. »
Claude Villeneuve