Prescrivez-vous le bon inhalateur pour votre patient et la planète ?

Dr Bao-Huy Trinh, Médecine interne générale.
Chargé d'enseignement clinique, Université de Montréal, Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval

29 avril 2022

L’impact des changements climatiques est de plus en plus ressenti avec les années qui passent. Feux de forêt, sécheresses prolongées suivies d’inondations dévastatrices ne sont qu’une petite partie des multiples conséquences du réchauffement climatique sur notre environnement. Ce tableau découle de notre consommation de combustibles fossiles ayant mené à une hausse sans précédent des niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

Le rapport du GIEC en 2021 aborde le concept de budget carbone pour ne pas dépasser la cible d’un réchauffement planétaire de 1,5 degré Celsius par rapport au niveau préindustriel. Ce sont donc 300 à 500 Gigatonnes d’équivalent CO2 qu’il nous reste avant d’échouer à l’objectif établi par l’Accord de Paris. Pour mettre les choses en perspective, le Canada est le 10e émetteur au monde avec 724 Mt annuels d’équivalent CO2. De surcroît, parmi ces dix plus grands émetteurs, il est le pays avec le plus d’émissions par habitant (dépassant donc les États-Unis et la Chine).

Parmi les gaz à effet de serre (GES) qui accélèrent le réchauffement climatique, nous retrouvons le CO2, mais également le méthane, l’oxyde nitreux ainsi que les hydroflurocarbones (HFC). Bien qu’ils ne représentent qu’une faible proportion des GES totaux, les HFC ont un potentiel de réchauffement global (GWP) jusqu’à 12 000 fois celui du CO2.

Utilisés dans diverses pathologies respiratoires telles que l’asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), les médecins de première ligne canadiens prescrivent annuellement de nombreux inhalateurs à leurs patients. Essentiel au fonctionnement des aérosols-doseurs, le HFA134a (hydrofluoroalcane, un sous-type de HFC avec un GWP de 1 300) permet de propulser l’agent actif (ex. le salbutamol) vers les alvéoles pulmonaires. Cette émission de HFA contribue à 96 % de l’impact carbone de l’inhalateur sur son cycle de vie.

Depuis les années 1980, il existe d’autres méthodes pour délivrer les médicaments aux poumons. Ce sont les inhalateurs de poudre sèche (IPS) dont plusieurs types existent actuellement sur le marché. Ceux-ci sont légèrement plus dispendieux, mais n’utilisent aucun gaz propulseur et génèrent moins de 1 kg d’équivalent CO2 par inhalateur, contrairement aux 28 kg d’équivalent CO2 d’un aérosol-doseur (AD). De plus, ils ne requièrent pas de synchronisation entre la respiration et l’activation de l’inhalateur et permettent un bon dépôt du médicament aux poumons. Les dernières lignes directrices en asthme (GINA 2021) recommandent d’ailleurs en première intention une combinaison disponible sous forme de IPS (budesonide/formoterol).

Il est estimé qu’au Royaume-Uni, où 70 à 80 % des inhalateurs sont sous forme d’aérosol-doseurs, leur utilisation représente à eux seuls 3,5 % des GES du système de santé. Sur une année, un patient avec un inhalateur AD d’entretien et un AD de secours génère 434 kg d’équivalent CO2. La transition vers un usage équivalent sous forme de IPS permettrait l’économie de 422 kg d’équivalent CO2, soit 4,5 % de l’empreinte carbone annuelle d’un Québécois moyen. Concrètement, pour 7 patients orientés vers des IPS, c’est l’équivalent d’une voiture à essence retirée de la circulation. Ces transitions se multiplient à l’échelle de la clientèle d’un médecin et peuvent engendrer des gains importants sur l’empreinte carbone du système de santé. En effet, il n’existe pas de geste trop petit dans la lutte aux changements climatiques et les médecins peuvent être des acteurs de changement au quotidien.

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