À la rescousse de la planète pour une santé meilleure
Entretien avec le Dr Éric Notebaert

Claudine Auger
9 avril 2020

Urgentologue et clinicien chercheur à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal, Vice-Président de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, président du comité environnement de Médecins francophones du Canada, le Dr Éric Notebaert frôle le don d’ubiquité, habité par un seul but : sauver le milieu de vie de l’humanité. Il invite les médecins à agir devant l’urgence climatique et être des acteurs sociaux. Dernier article d’une série de trois.

Un tournant planétaire

Le Dr Éric Notebaert pratique comme urgentologue, un lieu privilégié pour voir les effets néfastes de l’environnement sur la santé des patients. Sensibilisé par ces constats, peut-être, il a toujours consacré environ une journée par semaine à la cause environnementale. « Oui, c’est du bénévolat ! Mais c’est de cette manière qu’on participe à faire avancer les choses » affirme le Vice-Président de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, organisme qui chapeaute de nombreux projets. En 2009, il s’est exilé en Nouvelle-Zélande pendant un an, afin de compléter une maîtrise en environnement. « J’ai rencontré beaucoup de gens, des gestionnaires du Ministère de la Santé, dont cette femme d’une petite île du Pacifique pour qui la préoccupation primordiale était de reloger sa population : elle avait un horizon d’environ cinq ans avant que son île disparaisse sous la montée des océans. Il y a urgence » clame Dr Notebaert. Tout près de nous, on observe des patients souffrant de défaillances multisystémiques causées par des chaleurs extrêmes en période estivale. La canicule exceptionnelle qu’a connue l’Europe de l’Ouest en juin dernier, enregistrant un record absolu de 45,9 °C en France, sera de moins en moins rare.

Devant l’urgence climatique, ce médecin environnementaliste explique que le rôle du médecin doit évoluer avec ce nouveau contexte. Il y a une trentaine d’années, les facultés de médecine ne parlaient pas d’environnement. « Aujourd’hui, à travers le monde, elles s’adaptent et incluent des sujets concernant l’environnement à tous les niveaux de la formation. On ne peut plus séparer la santé de la question environnementale. La pollution et le milieu de vie sont autant d’éléments qui influencent un diagnostic. L’ignorer, c’est passer à côté de plusieurs problèmes de santé. » Les médecins de la relève demandent d’être informés et formés. « Si on leur communique les risques potentiels, les dangers pour la santé, ils auront davantage d’intérêt à s’impliquer dans leur communauté, à reprendre pouvoir et à s’approprier des projets à leur portée ».

Médecins acteurs de changement

Au quotidien, devant son patient dans son bureau, le médecin joue un rôle majeur et doit désormais lier santé et environnement, croit le Dr Éric Notebaert. « Il y a des patients qui ne sont même pas conscients des conséquences de leur milieu et de leurs habitudes de vie. On parle d’obésité, de diabète… moi, je parle sans cesse de transport actif ! Expliquons aux patients les bénéfices considérables du transport actif sur la santé des gens : diminution d’hypertension, de diabète, de problèmes coronariens et cardiaques, même de cancer, voire d’anxiété et de dépression. Il y a des études qui démontrent une baisse du taux de criminalité dans les villes qui font la promotion du transport actif, et une hausse du sentiment de bien-être et d’appartenance à la communauté. »

Convaincu, convaincant, ce médecin environnementaliste se réjouit de la position favorable de la Ville de Montréal concernant le transport actif. Mais il y a encore un long chemin à parcourir pour transformer les habitudes de vie. « L’Association canadienne des médecins pour l’environnement a réalisé une étude importante pour les villes de Montréal et Québec afin d’éclairer les solutions efficaces et sécuritaires du transport actif. Récemment, Ottawa et Vancouver nous ont approchés pour réaliser ce type d’étude qui permet de définir des trajets préférentiels, des zones de danger, des données de mortalité en transport actif et de faire ainsi des recommandations aux villes. Ça, c’est au niveau plus global. »

Volubile, le Dr Éric Notebaert invite les médecins à s’impliquer sur leur propre terrain, par exemple en demandant à leur ville des changements pour un réseau cyclable accessible et sécuritaire grâce à l’installation de compteurs de cyclistes afin de planifier un réseau préférentiel. « Les élus sont sensibles aux médecins qui les interpellent. Et tout le monde en bénéficie : moins de pollution, moins de congestion, une population en meilleure santé. » Par un rôle plus actif, en allant plus loin que la relation-patient et en faisant le choix de s’engager dans la communauté, le médecin d’aujourd’hui peut agir devant l’urgence climatique. « Les médecins sont les privilégiés de la société et je crois qu’ils peuvent faire davantage. C’est un choix. »

Foncièrement optimiste, le Dr Éric Notebaert demeure pourtant préoccupé devant la lenteur des changements en faveur de l’environnement au Québec et au Canada. Avec détermination, il continue à œuvrer : « Avec Médecins francophones du Canada, nous planifions organiser un colloque en 2021 pour aborder ces thématiques de transport, d’hôpitaux verts, d’énergie durable, de décroissance… et inviter les médecins à être des acteurs sociaux. »

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