Sauver la planète une bouchée à la fois (2)

Claudine Auger, journaliste
3 septembre 2020

Capsule scientifique tirée de la conférence de Bernard Lavallée au Congrès annuel de médecine 2019 – Médecins francophones du Canada

Chroniqueur et auteur de deux livres* qui démystifient les mythes et tendances alimentaires tout en y intégrant l’aspect de l’impact de notre alimentation sur notre environnement, Bernard Lavallée, autoproclamé nutritionniste urbain, prône une alimentation durable, alliant la santé de tous les humains et de la planète. Une occasion de mieux comprendre les changements climatiques et la sécurité alimentaire. Deuxième article d’une série de deux.

Reprendre le contrôle de notre assiette

Sur bien des choses, on a souvent l’impression d’avoir peu d’emprise. En ce qui concerne les changements avantageux à notre alimentation, tant pour notre santé que pour l’environnement, manger moins de viande est accessible à tous. Alors que l’on connaît de mieux en mieux les bienfaits sur la santé, du cœur notamment, d’alléger les apports carnivores à notre régime, la majorité d’entre nous est moins conscients de l’impact de l’élevage des animaux, qui occupe presque 80% des terres agricoles. Cette industrie, responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre liées à l’homme, soit environ l’équivalent de tous les moyens de transport réunis (camions, voitures, avions et bateaux), utilise la majorité du soya pour nourrir le bétail.

Les GES liés à l’élevage proviennent de différentes sources. D’abord, du méthane : les aliments consommés par les ruminants fermentent sous l’action des bactéries de leur tube digestif. Cette digestion produit du méthane qui est relâché sous forme de flatulences. Ensuite vient l’oxyde nitreux, résultat de la transformation de l’azote appliqué dans les champs sous forme d’engrais pour produire la nourriture des animaux. Finalement, les émissions de gaz carbonique, qui proviennent de l’utilisation d’énergie (dont le pétrole) pour la production et la transformation de divers produits, ainsi que de la destruction d’habitats naturels. « Dans certains pays, comme au Brésil, des forêts entières sont brûlées pour l’agriculture, ce qui diminue la quantité d’arbres pouvant capter le carbone », se désole Bernard Lavallée, ajoutant que chaque fois qu’on opte pour un repas sans viande, l’impact est réel. « Le flexitarisme, par exemple, une diète qui limite les sources de protéines animales, est une manière plus accessible de s’ouvrir à d’autres types de protéines, de varier son alimentation, tout en diminuant considérablement l’émission de GES », plaide le nutritionniste.

Sauver la planète une bouchée à la fois - Viande: un des plus gros contributeurs

L’agriculture régénératrice

Selon la définition récente de la communauté des chercheurs, l’agriculture régénératrice se définit par « les pratiques culturales et de pâturages qui participent à renverser les changements climatiques en reconstruisant le taux de matière organique du sol et en restaurant la biodiversité dégradée par la réduction des concentrations de carbone dans l’atmosphère et l’amélioration du cycle de l’eau »**.

Convaincu que cette pratique agricole sera une tendance dans la prochaine décennie, Bernard Lavallée insiste sur la nécessaire restauration des sols : « De grandes superficies de terres agricoles sont désormais  dégradées. » Le nutritionniste urbain évoque également des pratiques potentiellement bénéfiques, quoiqu’encore marginales, permettant de produire de la viande tout en respectant l’environnement. « La gestion holistique du pâturage, popularisée par Joël Salatin, un agriculteur américain qui a régénéré les terres de sa ferme de Virginie, Polyface Farm, met à collaboration les herbivores ruminants. Sur les pâturages où les pluies du printemps favorisent la croissance des herbes, des troupeaux de différents animaux se déplacent sur les parcelles pour se nourrir. Les excréments de ces derniers sont étendus sur le sol par des poules qui viennent ensuite picorer les champs. Les sols ne s’érodent pas puisqu’on n’utilise pas le labourage industriel, diminuant du coup la consommation de carburant. Les cochons sont également mis à contribution, se nourrissant des déchets. » Bref, un travail d’équipe avec la nature qui favorise le développement de matière organique tout en produisant de la viande à moindre coup écologique***.

En effet, comme souligné par le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat, c’est surtout dans un contexte d’agriculture industrielle et intensive que la viande et les produits laitiers sont associés à de grandes émissions de GES. Néanmoins, toute diminution de consommation de protéines animales demeure profitable pour la santé et pour l’environnement.

Le végétarisme qui gagne en popularité

On gagnerait donc à consommer moins de viande. Et il semble que le végétarisme fasse de plus en plus d’adeptes. « Selon le World Cancer Research Fund, il faudrait consommer moins de 500g de viande rouge par semaine et éviter les charcuteries. Toutefois, ce n’est pas parce qu’on mange occasionnellement du bacon qu’on développera un cancer ! Tout est une question de quantité », ajoute le nutritionniste.

Être végétarien est certainement bon pour la santé. Selon la position de l’Academy of Nutrition and Dietetics (2016), les végétariens et les végétaliens sont moins à risque de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, de différents cancers et d’obésité. Mais si cette diète peut fournir les nutriments nécessaires et offrir des bénéfices à la santé, il faut s’assurer d’éviter les carences. « Les deux règles à respecter : manger diversifié et manger suffisamment », résume Bernard Lavallée.

Par ailleurs, voyant que les consommateurs se détournent de leurs produits, l’industrie agroalimentaire use de ruse marketing : « On retrouve de plus en plus ‘fait à partir de plantes’ ou autres désignations similaires sur des produits ultra-transformés. Il faut donc faire attention », prévient le conférencier. Il en profite aussi pour souligner les bienfaits et avantages des légumineuses : « Excellente source de protéine, polyvalente, très économique, les légumineuses ont un impact microscopique sur l’environnement. Leur production émet 13,5 fois moins de GES que celle du bœuf. » Chaque fois qu’on en mange, conclut le nutritionniste urbain, c’est un vote : « c’est notre pouvoir… une bouchée à la fois ! »

* Sauver la planète une bouchée à la fois(2015), (2015) et N’avalez pas tout ce qu’on vous dit (2018) aux Éditions La Presse.
** Définition tirée du bulletin de « La Terre de chez nous », à l’adresse suivante : https://www.laterre.ca/du-secteur/formation/labc-de-lagriculture-regeneratrice
*** Pour en savoir davantage sur la gestion holistique du pâturage, consulter l’article paru dans Québec Sciences, le 22 août 2019 : « Des pâturages pour séquestrer du carbone », par Pierre Sormany./small>

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