Recommandations alimentaires pour le SIBO

Kathryn Adel, M.Sc, Dt.P, CSSD
Nutritionniste chez SOSCuisine.com, spécialisée en nutrition sportive et gastro-intestinale

3 Décembre 2021

Le SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth, en anglais) est une augmentation du nombre de bactéries dans l’intestin grêle, qui se trouvent normalement en grand nombre dans le côlon, entraînant une fermentation excessive, de l’inflammation et de la malabsorption. Il s’agit d’une dysbiose intestinale, c’est-à-dire d’un débalancement de l’équilibre des bactéries dans le système digestif.

Les bactéries intestinales sont très importantes pour la santé. Elles contribuent notamment à soutenir la digestion, la santé immunitaire et la production de certains nutriments. Cependant, si un trop grand nombre de bactéries du côlon et/ou le  « mauvais » type de  bactéries migrent vers l’intestin grêle, cela peut devenir problématique. En se multipliant dans l’intestin grêle, ces bactéries produisent des gaz (hydrogène ou méthane) qui peuvent être à l’origine de symptômes variés. Il peut s’agir de symptômes digestifs (maux de ventre, ballonnements, gaz, constipation, satiété précoce, nausées, diarrhée, urgence d’aller à la selle, alternance de diarrhée et constipation, etc.), mais aussi systémiques (fatigue, cerveau embrouillé après les repas, perte ou gain de poids, eczéma, douleurs articulaires, maux de tête, ulcères buccaux, dépression, etc.). Le SIBO peut affecter le fonctionnement du système digestif en altérant la muqueuse intestinale qui empêche les mauvaises bactéries et les aliments non digérés de pénétrer par inadvertance dans la circulation sanguine. Cela peut augmenter l’inflammation, entraîner une malabsorption des nutriments et des gras, et ainsi créer des carences en nutriments, notamment en vitamine B12 et en vitamines liposolubles (A,D,E,K).

En lisant la liste de symptômes, tout le monde pourrait croire qu’ils ont le SIBO puisque ces symptômes sont malheureusement très vagues et peuvent être causés par plusieurs autres conditions de santé. Les symptômes digestifs du SIBO ressemblent aussi grandement à ceux du syndrome de l’intestin irritable, ce qui rend la délimitation diagnostique difficile. À cela s’ajoute qu’on retrouve beaucoup de pseudoscience sur Internet à propos du SIBO, faisant en sorte qu’il peut être facile de mordre à l’hameçon et de se faire convaincre de payer des sommes d’argent astronomiques, de prendre des suppléments ou d’essayer des diètes très restrictives. Les recherches sur le SIBO se sont multipliées au cours des dernières années, mais il reste encore beaucoup à apprendre. L’information suivante se base sur les données scientifiques les plus solides et récentes.

Causes du SIBO

Il est primordial de comprendre que le SIBO n’est pas une maladie en soi, mais plutôt une conséquence d’un problème sous-jacent. Le développement du SIBO peut résulter de plusieurs maladies ou problèmes, incluant la pancréatite chronique, l’abus d’alcool, le diabète, une intoxication alimentaire, la sclérodermie, la diverticulite, la maladie coeliaque, les maladies inflammatoires de l’intestin, la constipation et le syndrome de l’intestin irritable (SII). La prévalence du SIBO est plus élevée chez les gens atteints du SII. En effet, on estime que le SIBO touche jusqu’à 78% des gens atteints du SII1, versus environ 9% de la population en général.

Une cause fréquente du SIBO est un trouble de motilité intestinale, en d’autres mots un transit lent. Une gastroparésie, la prise de certains médicaments tels que des narcotiques, de même qu’une chirurgie gastro-intestinale (ex. chirurgie bariatrique, colectomie ou autres résections intestinales) sont quelques exemples de facteurs qui peuvent contribuer à ralentir le transit intestinal et mener au SIBO.

L’acidité gastrique joue un rôle important en empêchant la prolifération de bactéries dans le tractus gastro-intestinal supérieur. Les patients atteints d’hypochlorhydrie ou d’achlorhydrie secondaire à une gastrite auto-immune ou à une gastrectomie présentent un risque accru de SIBO. Il a aussi été suggéré que la prise fréquente d’inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peut contribuer au SIBO, mais les études sur ce sujet sont controversées1.

Types de SIBO et diagnostic

Il existe 3 types de SIBO :

  • Le SIBO lié à un excès d’hydrogène produit par des bactéries
  • Un excès de sulfure d’hydrogène produit par des bactéries
  • Un excès de méthane produit par des archées (appelé IMO en anglais : Intestinal Methanogen Overgrowth)

Les deux premiers types ont tendance à causer de la diarrhée alors que le troisième cause plutôt de la constipation.

Le SIBO est diagnostiqué par un test respiratoire pour analyser les gaz expirés par le patient après ingestion de glucose ou de lactulose. Cependant, ces tests ont une faible sensibilité et une faible spécificité. En pratique, la plupart des cliniciens choisissent le glucose car celui-ci est plus susceptible de sous-estimer les résultats alors que le lactulose a plus de chances de provoquer des faux positifs.

Le North American Consensus publié en 2017 fournit un protocole standardisé sur les indications, la préparation, l’exécution et l’interprétation des tests respiratoires pour le SIBO2. Le critère de consensus pour diagnostiquer le SIBO est une augmentation d’hydrogène supérieure ou égale à 20 ppm en 90 minutes. Il est aussi important de tester la production de sulfure d’hydrogène et de méthane pour pouvoir diagnostiquer les autres types de SIBO. Voici quelques consignes à suivre en préparation pour un test respiratoire de SIBO :

  • Ne pas prendre d’antibiotiques quatre semaines avant le test
  • Cesser la prise de laxatifs, probiotiques et d’agents prokinétiques une semaine avant le test
  • Éviter les glucides complexes (amidons) 24 heures avant le test
  • Éviter de manger 8 à 12 heures avant le test (le test doit être effectué à jeûn)

Il est à noter qu’un nouveau type de test utilisant une capsule ingérée par voie orale est en cours de développement. Il permet de mesurer in vivo l’hydrogène et le dioxyde de carbone après l’ingestion d’un repas riche en glucides et pourrait constituer une alternative intéressante aux tests respiratoires.

Traitement du SIBO

Pour traiter le SIBO, il est recommandé de:

  1. Identifier la cause sous-jacente
  2. Réduire la quantité de bactéries dans l’intestin via un traitement médicinal (antibiotique, herbes ou diète élémentaire)
  3. Essayer de prolonger la rémission via des modifications des habitudes de vie (alimentation, gestion du stress, etc.) et de corriger les carences alimentaires s’il y a lieu.

Le SIBO est généralement traité via la prise d’antibiotiques, le plus prescrit étant la Rifaximine, qui est un antibiotique à large spectre et peu absorbé. La Rifaximine n’agit que dans l’intestin et ne semble pas causer de perturbations majeures dans l’ensemble des bactéries intestinales (saines) à long terme. Cependant, on estime que près de 50% des patients ont une récidive dans l’année suivant le traitement aux antibiotiques3, c’est pourquoi il est primordial d’identifier et de traiter la cause sous-jacente. Par exemple, si la cause est un trouble de motilité, le médecin peut prescrire des prokinétiques, qui sont des médicaments qui augmentent la motilité intestinale.

Le traitement du SIBO avec des plantes médicinales est une alternative au traitement par antibiotiques ou peut être une option à envisager si le traitement d’antibiotiques échoue. Selon une étude, un traitement avec plantes médicinales pourrait être aussi efficace que la Rifaximine pour la résolution du SIBO4. D’autres études sont nécessaires pour valider ces résultats.

La diète élémentaire est un autre type de traitement qui peut permettre d’éradiquer le SIBO. Il s’agit d’une diète liquide sous forme de préparations à boire qui est généralement suivie pendant quelques semaines. Les nutriments qu’elle procure sont digérés et absorbés plus tôt dans le système digestif, et ne sont donc pas fermentés par les bactéries intestinales. Un étude incluant 93 patients avec le SIBO a montré une amélioration de 66% des symptômes après 2 à 3 semaines de régime élémentaire exclusif5.

En ce qui concerne l’alimentation, il n’existe pas de diète spécifique basée sur des évidences scientifiques pour le SIBO. Le but des modifications alimentaires est de minimiser les symptômes avec le moins de restrictions alimentaires possible. De façon générale, les recommandations alimentaires doivent être personnalisées selon les symptômes et les antécédents médicaux du patient. Le thème dominant dans la manipulation de l’alimentation pour le SIBO est de réduire l’apport en aliments fermentescibles. On pense qu’en réduisant la fermentation des aliments, le risque de prolifération des bactéries sera diminué.  Cela implique une approche à faible teneur en fibres ainsi que l’évitement des sucres d’alcool et des édulcorants fermentescibles tels que le sucralose.

Il a été suggéré qu’il pourrait être bénéfique d’espacer le délai entre les repas pour aider la motilité de l’intestin. Les complexes moteurs migrants (CCM) sont des ondes mécaniques qui stimulent la motilité digestive. Ils surviennent chaque 90 à 120 minutes, ont lieu entre les repas, et sont interrompus par la prise d’aliments. Ils ne durent que dix minutes, mais sont assez forts pour pousser la nourriture, les sécrétions résiduelles et les micro-organismes intestinaux en excès de l’intestin grêle vers le gros intestin. Ces ondes sont plus faibles et moins fréquentes chez une proportion de patients atteints de SII et de SIBO6. Ainsi, il pourrait être bénéfique d’espacer les repas et d’éviter de grignoter ou boire des breuvages caloriques entre les repas pour ne pas nuire au CCM. Si possible, on recommande d’espacer les repas d’au moins 4h et d’avoir au moins un 12h de jeûne la nuit. Cependant, il est primordial de s’assurer avant tout de combler ses besoins nutritionnels. Les personnes qui sont seulement capables de tolérer une petite quantité de nourriture à la fois devraient consommer des petits repas et collations fréquemment au cours de la journée pour combler leurs besoins en calories et nutriments et éviter une perte de poids sévère.  Il est à noter qu’il existe aussi plusieurs médicaments qui peuvent accentuer les CCM et améliorer la motilité de l’intestin.

Il a été démontré qu’une alimentation faible en FODMAP est utile pour réduire les symptômes liés au SII dans environ 75% des cas, mais elle a été peu étudiée pour le SIBO. Cependant, puisqu’une bonne proportion de gens avec le SIBO ont aussi le SII, il s’agit d’une approche prometteuse. Une étude a trouvé une légère diminution de la production d’hydrogène avec une diète faible en FODMAP comparativement à une diète élevée en FODMAP7. D’autres études sont nécessaires pour évaluer les effets d’une diète faible en FODMAP chez les personnes avec un diagnostic de SIBO. Il a été suggéré d’attendre d’avoir terminé le traitement d’antibiotiques pour débuter la phase d’élimination des FODMAP. Ceci est basé sur le concept de microbiologie selon lequel les bactéries sont plus faciles à éradiquer lorsqu’elles sont actives. À long terme, il est important de mettre en place des stratégies de prévention de récidives et de réintroduire une variété d’aliments riches en fibres dans l’alimentation selon la tolérance du patient afin d’optimiser le microbiote intestinal.

La Low Fermentation Diet a été développée par Mark Pimentel, gastro-entérologue au centre médical Cedar-Sinai en Californie et l’un des principaux leaders dans la recherche et le traitement du SIBO.  C’est une approche qui limite les glucides fermentescibles et qui se veut plus simple et moins restrictive que la diète faible en FODMAP. Par contre, elle n’a pas été étudiée et a le désavantage de ne pas inclure de protocole spécifique de réintroduction comme l’approche FODMAP. D’autres diètes ont été proposées, mais elles ne sont pas recommandées, car elles sont très restrictives, ne sont pas durables à long terme et n’ont pas fait l’objet d’études sérieuses. Celles-ci incluent : Specific Carbohydrate Diet (SCD), SIBO Specific Food Guide Diet (SSFG), SIBO Bi-Phasic Diet (B-PD), Gut & Psychology Syndrome Diet  (GAPs) et Low Sulphur Diet.

Finalement, en ce qui concerne la prise de suppléments de probiotiques pour le SIBO, les études sont controversées et donc les preuves actuelles ne permettent pas de recommander leur utilisation1.

Il est à noter qu’il existe aussi une autre condition appelée SIFO (Small Intestinal Fungal Overgrowth, en anglais) qui est caractérisée par la présence d’un nombre excessif de champignons dans l’intestin grêle associée à des symptômes gastro-intestinaux8. Les symptômes les plus fréquemment observés sont du reflux, des nausées, des vomissements, de la diarrhée,  des ballonnements et des gaz.  Cette condition est traitée à l’aide d’un antifongique pour une période de 2 à 3 semaines. Ce traitement peut être efficace pour  améliorer les symptômes, mais les études ne sont pas encore suffisantes pour savoir s’il permet d’éradiquer le SIFO.

En conclusion

Les menus faibles en FODMAP de SOSCuisine.com, personnalisables selon les allergies, intolérances et préférences de chacun, sont une façon simple et efficace de suivre le protocole FODMAP. En alternative, une consultation avec nutritionniste spécialisée en troubles gastrointestinaux permettra d’accompagner vos patients vers l’approche qui correspondra le mieux à leurs besoins.


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Références

1.Pimentel et coll. (2020) ACG Clinical Guideline: Small Intestinal Bacterial Overgrowth. The American Journal of Gastroenterology.
2. Rezaie et coll. (2017) Hydrogen and Methane-Based Breath Testing in Gastrointestinal Disorders: The North American Consensus. Am J Gastroenterol;112(5):775-784.
3. Lauritano et coll. (2008) Small intestinal bacterial overgrowth recurrence after antibiotic therapy. Am J Gastroenterol;103(8):2031-5.
4. Chedid et coll. (2014) Herbal Therapy Is Equivalent to Rifaximin for the Treatment of Small Intestinal Bacterial Overgrowth. Global Advances in Health and Medicine;3(3).
5. Pimentel et coll. (2004) A 14-day elemental diet is highly effective in normalizing the lactulose breath test. Dig Dis Sci;49(1):73-7.
6. Roland et coll. (2015). Small Intestinal Transit Time Is Delayed in Small Intestinal Bacterial Overgrowth. J Clin Gastroenterol;49(7):571-6.
7. McIntosh et coll. (2017) FODMAPs alter symptoms and the metabolome of patients with IBS: a randomised controlled trial. Gut;66(7):1241-1251.
8. Erdogan et Rao (2015) Small intestinal fungal overgrowth. Curr Gastroenterol Rep;17(4):16.

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