Prescriptions muséales, sans effet secondaire
Quand l’art guérit (3/3)

Claudine Auger
19 juin 2020

L’art-thérapie est une notion qui reste floue pour plusieurs d’entre nous. Souvent associée aux dessins d’enfants victimes de traumatismes, cette approche thérapeutique non verbale va pourtant bien au-delà. Offerte sous forme individuelle, familiale ou en groupe, l’art-thérapie permet de dénouer la souffrance, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’être un artiste accompli ! Médecins francophones du Canada, quant à elle, s’associe au Musée des beaux-arts de Montréal pour offrir des prescriptions muséales, une initiative visionnaire. Dernier article d’une série de trois.

Sublimer la souffrance

La thérapie par l’art offre plusieurs facettes : la dramathérapie, soit l’approche par le théâtre; la musicothérapie; la danse-thérapie, dont la formation est notamment offerte au Centre national de danse-thérapie, une division des Grands Ballets Canadiens; et finalement, l’art thérapie, qui utilise l’ensemble des outils traditionnels de l’art plastique et de l’art visuel. La thérapie par l’art, quelle que soit son approche, vise l’expression d’une expérience de façon non-verbale. « On y exprime une expérience très complexe, une souffrance, un deuil, la maladie, afin d’apprivoiser, de sublimer la douleur, l’épreuve », explique Stephen Legari, responsable des programmes éducatifs en art thérapie du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).

Au Québec, tous les thérapeutes qui pratiquent l’art thérapie détiennent au minimum une maîtrise. À la différence d’une visite en musée, où l’individu nourrit son âme de beauté dans un parcours en solitaire – ou avec des amis – , l’alliance thérapeutique est essentielle à l’art thérapie. « Le thérapeute est toujours présent dans cette approche, pour accompagner et guider le patient. Il peut aussi évaluer et développer un plan d’intervention », explique Stephen Legari. Les ateliers qui peuvent s’étendre de quelques séances à une démarche plus étendue se font sous forme d’ateliers créatifs. « Évidemment, afin d’approfondir l’expérience, la démarche peut se faire en collaboration avec d’autres thérapies. Nous entretenons plusieurs partenariats, notamment avec l’Institut universitaire en santé mentale Douglas (pour les patients atteints de troubles alimentaires) ou avec Y des femmes de Montréal, ici dans le cadre d’une thérapie hebdomadaire de 3h en groupe, au musée. » Bref, l’offre de la thérapie par l’art est souple, s’offre en groupe ou individuellement, en suivi régulier pour visiter les profondeurs de la souffrance, ou de manière plus sporadique, toujours selon les besoins de l’individu.

La quête du beau qui fait du bien

La différence entre aimer l’art et choisir l’option de l’art thérapie est une question profonde, selon Stephen Legari. « On peut aimer s’installer dans un endroit tranquille du musée, en présence des œuvres, sans même tenter de les analyser. Respirer, être là, se détendre et se sentir mieux, peut-être même ressentir une forme d’empathie avec l’œuvre. De plus en plus d’études dans le champ neuro-esthétiques s’intéressent à ce qui se passe dans le cerveau grâce à l’art visuel. Elles démontrent qu’il y a un bénéfice, au même titre que le contact avec la nature ou la méditation, par exemple. » De quoi appuyer la pertinence certaine des prescriptions muséales, forme d’expérience thérapeutique novatrice.

En parallèle, lorsque l’individu se trouve dans une impasse en thérapie conventionnelle, l’art-thérapie est une voie à explorer : libératrice, l’image fait place aux mots. « Finalement, il y a aussi la possibilité de créer, pour soi, en groupe ou non, sans intervention d’un thérapeute : c’est ce que nous offrons au MBAM, avec la Ruche d’art, un atelier créatif et accueillant*. Cette activité favorise les échanges sociaux, notamment pour ceux qui vivent de l’isolement. Et puis, même Michel de la Chenelière, notre grand mécène, passe par la Ruche de temps en temps! »

Bref, la thérapie par l’art, c’est une démarche de création en vue de trouver un mieux-être, pouvant transformer l’humeur et dissiper le sentiment de solitude. L’art-thérapie, quand à elle, part de la même démarche, la quête de la beauté et son exploration, mais ici guidée par un intervenant formé en santé mentale dans une démarche thérapeutique engagée aux objectifs définis.

*Cet espace de création multidisciplinaire est le 105e du Réseau international des Ruches d’art et le premier installé dans un musée. Ouvert à tous les publics, il est supervisé et animé par un art-thérapeute.

À noter : En plus de l’avantage des prescriptions muséales, les médecins membres de MFC pourront obtenir un rabais VIP sur leur abonnement au MBAM