Microbiote intestinal et performance sportive

Kathryn Adel, M.Sc, Dt.P, CSSD
Nutritionniste chez SOSCuisine.com, spécialisée en nutrition sportive et gastro-intestinale

3 mars 2023

SOSCuisine.com, partenaire nutrition de Médecins francophones du Canada

Le microbiote intestinal est composé de milliards de cellules microbiennes. Il joue un rôle important dans la modulation du système immunitaire, la digestion, le métabolisme des vitamines, la régulation de l’humeur et une série d’autres fonctions clés liées à la santé et à la performance sportive1. Dans les dernières années, un nombre accru d’études se sont intéressées à l’interaction entre le microbiote intestinal et l’exercice, et à la façon dont on pourrait modifier le microbiote pour améliorer la performance sportive.

L’effet de l’exercice sur le microbiote

Il a été observé depuis longtemps que la pratique d’activité physique peut avoir un impact positif important sur la santé intestinale et augmenter la diversité du microbiote en bonnes bactéries. L’effet de l’exercice sur la santé intestinale peut varier selon l’intensité de l’exercice. Ainsi, une quantité modérée d’exercice aurait un effet positif sur la résolution des problèmes liés à la perméabilité et à l’inflammation intestinale, tandis qu’un exercice léger, ou intense et soutenu, pourrait avoir un effet délétère1. On pense que les symptômes négatifs associés à un exercice intense sont principalement dus à une redistribution du sang qui provoque un manque de flux sanguin vers l’intestin – connue sous le nom d’ischémie intestinale – qui à son tour entraîne une augmentation de l’inflammation et de la perméabilité de l’intestin1. La pratique modérée d’activité physique peut aussi améliorer le ratio entre les bactéries Bactéroides et Firmicutes, ce qui peut contribuer au maintien d’un poids santé.

Il est bien établi qu’il existe des différences considérables dans la composition et la diversité du microbiote entre les athlètes et les individus sédentaires, les athlètes ayant tendance à présenter des niveaux plus élevés de bactéries associées à la santé1. Il est important de considérer que tous les types d’exercices ne sont pas égaux, certaines études suggérant qu’il existe des différences significatives dans le microbiote des athlètes participant à différents types de sports1.

Modifier le microbiote pour améliorer la performance sportive

Des chercheurs se sont intéressés à savoir si la présence de certaines bactéries intestinales pourrait contribuer à améliorer la performance sportive.  Par exemple, dans une étude, l’espèce de bactérie Veillonella atypica a été notée comme étant fortement enrichie dans les échantillons fécaux des coureurs de marathon2. De plus, les chercheurs ont noté que lorsqu’ils supplémentaient des souris avec  la bactérie V. atypica isolée des échantillons fécaux des coureurs de marathon, cela améliorait considérablement leurs performances sur le tapis roulant par rapport au groupe contrôle2. Un mécanisme possible pour expliquer ce bénéfice serait que V. atypica pourrait augmenter le renouvellement du lactate et ainsi diminuer l’accumulation d’acide lactique dans les muscles2.

Une façon de modifier le microbiote intestinal est via un supplément de probiotiques. Ceux-ci sont définis comme « des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont administrés en quantités adéquates, confèrent un bénéfice pour la santé de l’hôte ».

Des études ont montré une augmentation de certaines métriques de performance sportive chez les animaux et les humains suite à un traitement de probiotiques1. Par exemple, une étude a révélé qu’une supplémentation de quatre semaines d’un probiotique de souche mixte a retardé le temps de fatigue des athlètes de 16 % en moyenne lors d’un test sur tapis roulant effectué dans des conditions de température chaude3. Une autre étude a montré que lorsqu’une espèce particulière de probiotique, isolée du microbiote intestinal d’haltérophiles féminines de niveau olympique, était administrée à des souris sur une période de quatre semaines, elle améliorait considérablement le temps de nage jusqu’à l’épuisement ainsi que la force de préhension4.

Un autre mode d’influence sur le microbiote est l’utilisation de prébiotiques, qui sont définis comme « un substrat utilisé sélectivement par les micro-organismes hôtes conférant un bénéfice pour la santé ». Il s’agit de fibres alimentaires qui ne peuvent pas être facilement digérées directement par les humains et servent ainsi à nourrir certaines bactéries de l’intestin ayant un effet favorable sur la santé. La recherche sur les effets des prébiotiques sur la performance des athlètes est plutôt limitée et s’est jusqu’à présent largement concentrée sur les suppléments symbiotiques, qui sont une combinaison de probiotiques et de prébiotiques.

Bien qu’il n’existe actuellement aucune recommandation claire concernant les traitements de modification du microbiote pour les athlètes, il semble probable qu’il existe un potentiel substantiel et inexploité en ce qui concerne la modulation du microbiote intestinal et la performance sportive.

Effets potentiels du microbiote sur la performance sportive

La modulation du microbiote intestinal a le potentiel d’améliorer la performance sportive de plusieurs façons – en voici huit:

1.    Protéger contre les troubles gastro-intestinaux et les infections des voies respiratoires supérieures (IVRS)

Les athlètes peuvent souffrir d’infections gastro-intestinales et respiratoires à la suite d’un exercice intense. Plusieurs études suggèrent qu’une supplémentation avec des souches particulières de probiotiques avant l’exercice peut avoir des effets protecteurs contre les troubles gastro-intestinaux et les infections des voies respiratoires supérieures (IVRS) chez les athlètes, bien que les mécanismes ne soient pas encore entièrement compris1. La prévalence d’IVRS ainsi que les problèmes gastro-intestinaux seraient étroitement liés aux niveaux d’inflammation systémique chronique, que l’on pense être en partie causés par la perméabilité accrue de l’intestin associée à un exercice intense, qui permet aux molécules pro-inflammatoires d’entrer dans la circulation1. Pour contrer cela, des études ont suggéré que plusieurs probiotiques peuvent atténuer cette réponse inflammatoire et potentiellement réduire les symptômes gastro-intestinaux et la survenue/gravité des IVRS1

2.    Améliorer le VO2 Max

Plusieurs études ont noté une augmentation des acides gras à chaîne courte (AGCC) fécaux d’origine microbienne chez les athlètes, en particulier le butyrate, par rapport aux témoins1. Dans une étude, des chercheurs ont noté que le VO2 max des sujets humains était fortement corrélé à la production de butyrate, ainsi qu’à la présence de bactéries productrices de butyrate5.

3.    Augmenter la masse musculaire

Un microbiote intestinal fonctionnel est important dans l’anabolisme musculaire. Une étude a montré que les souris traitées avec des antibiotiques (réduisant la diversité du microbiote intestinal) ont gagné moins de masse musculaire après un entraînement en résistance que les souris non traitées qui ont entrepris un niveau d’exercice correspondant6. Bien que ces études soient encourageantes, les études sur les animaux ne se traduisent pas toujours par des informations exploitables pour les humains, et par conséquent les résultats doivent être interprétés avec prudence.

4.    Augmenter la motivation à s’entraîner

Une étude effectuée chez les rongeurs suggère que certaines bactéries de l’intestin peuvent influencer notre motivation à faire de l’exercice7. Les chercheurs ont découvert que les bactéries intestinales peuvent libérer des molécules qui activent les nerfs de l’intestin pour promouvoir plus de dopamine dans le cerveau. La dopamine est l’hormone de la récompense. Les niveaux de dopamine ont augmenté après l’exercice chez les souris avec un microbiote sain, mais n’ont pas augmenté chez celles avec un microbiome appauvri. Cependant, il s’agit d’une étude effectuée chez les souris, et nous avons besoin de preuves supplémentaires pour démontrer que cela fonctionne de la même façon chez l’humain.

5.    Réduire l’inflammation

Alors qu’une dysbiose intestinale est associée à des conditions inflammatoires, l’amélioration de l’équilibre du microbiote réduit l’inflammation systémique. L’inflammation peut interférer avec les performances sportives et ralentir la récupération post-entrainement.

6.    Améliorer la composition corporelle

Une étude clinique a suggéré que la composition du microbiote peut aider à prédire le potentiel de perte de poids8. Pour comprendre les effets des bactéries intestinales sur la perte de poids, les chercheurs ont examiné 105 personnes en surpoids, toutes inscrites à un programme de perte de poids d’un an. Ils ont constaté que les personnes qui avaient perdu du poids (au moins 1 % de leur poids corporel en moyenne chaque mois) avaient plus de bactéries bénéfiques dans leur intestin. D’autres études effectuées auprès des athlètes sont nécessaires pour confirmer ces effets.

7.    Améliorer l’absorption des nutriments

Un microbiote intestinal sain et équilibré est essentiel à une bonne absorption et utilisation des nutriments. Il influence l’absorption de certains micronutriments, comme le calcium, qui sont importants pour certains aspects de la santé et de la performance des athlètes9.

8.    Améliorer le sommeil

Il est démontré que le microbiote intestinal est essentiel au maintien d’une physiologie normale du sommeil10. Le microbiote intestinal contribue au contrôle des niveaux de diverses hormones telles que le cortisol et la sérotonine, qui affectent la qualité du sommeil. Le microbiote affecte également la production de mélatonine, essentielle au bon fonctionnement des cycles veille-sommeil.

Comment optimiser son microbiote intestinal

Plusieurs entreprises proposent désormais le profilage du microbiote, mais selon les données scientifiques probantes actuelles, ces tests ne permettent pas pour l’instant de dériver des données exploitables sur les interventions de modifications alimentaires ou de suppléments. De plus, peu de ces études utilisent l’analyse longitudinale. Compte tenu de la nature dynamique du microbiote intestinal, l’analyse du microbiote d’un individu à un seul moment fournit un aperçu quelque peu limité et ne révèle pas les changements résultant d’une intervention de modulation du microbiote.

À l’avenir, il sera peut-être possible de simuler les effets positifs de l’exercice à long terme sur le microbiote en faisant des changements alimentaires spécifiques ou en utilisant des suppléments de prébiotiques ou de probiotiques spécifiques. Pour l’instant, la meilleure chose à faire est d’optimiser la diversité de son microbiote intestinal en adoptant une alimentation équilibrée, riche en fibres, et avec le plus de variété possible. Il est aussi important de limiter les gras saturés, qui sont associés à une composition pro-inflammatoire du microbiote intestinal, et à favoriser les gras insaturés et les oméga-3, qui favorisent la production d’AGCC9.

En conclusion

En conclusion, la pratique régulière d’activité physique modérée contribue à améliorer le microbiote intestinal et la santé. Une alimentation variée et équilibrée permet d’optimiser le microbiote intestinal, ce qui peut contribuer à l’amélioration de la performance sportive.

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Références
1. O’Brien et coll. (2022) The athlete gut microbiome and its relevance to health and performance: A Review. Sports Medicine; 52 (Suppl 1):S119–S128.
2. Scheiman et coll (2019). Meta-omics analysis of elite athletes identifies a performance-enhancing microbe that functions via lactate metabolism. Nat Med;25:1104–9.
3. Shing et coll (2014). Effects of probiotics supplementation on gastrointestinal permeability, inflammation and exercise performance in the heat. Eur J Appl Physiol;114:93–103.
4. Lee et coll (2020). Subspecies SA-03 is a new probiotic capable of enhancing exercise performance and decreasing fatigue. Microorganisms; 8(4), 545.
5. Estaki et coll (2016). Cardiorespiratory fitness as a predictor of intestinal micro- bial diversity and distinct metagenomic functions. Microbiome;4:42.
6. Valentino et coll (2021). Dysbiosis of the gut microbiome impairs mouse skeletal muscle adaptation to exercise. J Physiol; 599(21): 4845-63.
7. Dohnalova et coll. (2022) A microbiome-dependent gut–brain pathway regulates motivation for exercise. Nature; 612 (7941):739-747.
8. Diener et coll (2021) Baseline Gut Metagenomic Functional Gene Signature Associated with Variable Weight Loss Responses following a Healthy Lifestyle Intervention in Humans. mSystems 6:e00964-21.
9. Hughes and Holscher (2021) Fueling Gut Microbes: A Review of the Interaction between Diet, Exercise, and the Gut Microbiota in Athletes. Adv Nutr; 12:2190-2215.
10. Han, Yuan et Zhang (2022) The interplay between sleep and gut microbiota. Brain Res Bull;180:131-146.
11. Hugues (2020) A Review of the Role of the Gut Microbiome in Personalized Sports Nutrition. Front Nutr;6:191.

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