Les résidus de pesticides dans l’alimentation: encore et toujours un sujet d’actualité

Katharina Paul-Mercier, Dt.P Nutritionniste chez SOSCuisine.com
7 septembre 2023

Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, le sujet des pesticides et leurs risques sur la santé revient régulièrement dans l’actualité. En juin dernier, les médias ont rapporté le fait que Santé Canada comptait augmenter la limite maximale de résidus (LMR) de pesticides pouvant être détectée dans certains produits alimentaires. Le gouvernement a alors expliqué que l’idée derrière cette démarche serait entre autres liée au fait que de nombreux aliments sont produits à l’international, et qu’il faut s’assurer de maintenir la disponibilité de produits de qualité 1. De plus, selon Santé Canada, cela ne signifierait pas que les canadiens seraient automatiquement exposés à plus de pesticides. La démarche d’augmenter la LMR de pesticides avait été mise sur pause par le gouvernement en 2021, peu de temps avant les élections fédérales. On avait notamment appris à ce moment-là que la suggestion d’augmenter cette limite de résidus dans les aliments avait été suggérée par la multinationale Bayer, un des grands producteurs de pesticides 2.

La hausse des LMR de pesticides toucherait entre autres le fludioxonil, un fongicide utilisé dans la production de betteraves à sucre. La révision des LMR ne devrait cependant pas concerner le glyphosate, herbicide reconnu par l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) comme potentiellement cancérigène chez l’humain.

Il est connu que l’exposition aux pesticides via l’environnement est un facteur de risque pour certaines maladies, comme la maladie de Parkinson et certaines formes de cancer. Ceci touche en particulier les agriculteurs et les personnes ayant à manipuler des pesticides sur une base régulière. En mars 2021, le gouvernement du Québec a reconnu qu’il y a un lien entre l’usage des pesticides et le Parkinson 4, et des organismes tels que Victimes des Pesticides du Québec luttent pour l’indemnisation des agriculteurs et autres personnes subissant les conséquences tragiques de l’exposition à ces produits chimiques.

Une autre voie d’exposition aux pesticides est l’alimentation. Alors qu’au Québec et au Canada, il est encore difficile d’avoir accès aux données concernant les résidus de pesticides dans l’alimentation, aux États-Unis, le US department of Agriculture (USDA) ainsi que la Food and Drug Administration publient un rapport annuel rendant public les résultats de tests de résidus de pesticides dans des aliments couramment consommés. L’organisation Environmental Working Group se base sur ces rapport pour publier chaque année la fameuse liste «Dirty Dozen», où figurent les fruits et légumes testés ayant le plus de résidus (ou chance d’avoir des résidus). Parmi cette liste figurent plusieurs fruits et légumes, dont la fraise, les épinards, le kale et les pommes 5. En Europe, un rapport similaire est aussi publié annuellement, soit «The European Union report on pesticide residues in food», dans le cadre d’un contrôle fait par l’Union Européenne. Dans ce rapport, on retrouve des informations sur les résultats de tests de résidus de pesticides faits sur près de 88 000 échantillons d’aliments. 

Suite aux nouvelles concernant la hausse des LMR au Canada, on peut se demander si ces changements auront un impact sur notre santé, et si oui, de quelle manière. Voici quelques informations sur ce que sont les LMR, et un très bref aperçu de ce que nous savons sur les résidus de pesticides dans notre alimentation et la santé.  

Comment les LMR de pesticides sont-ils fixés?

Le processus de fixation des LMR est strictement réglementé. Dans le cas du Canada, un groupe de scientifiques de Santé Canada se basent sur des données d’études scientifiques sur les différents produits pour fixer une limite maximale de résidus pour chaque pesticide et/ou groupe de pesticides. 

Voici, en bref, les étapes de ce processus:

  • Dans un premier temps, des études sont faites pour déterminer la dose journalière admissible (DJA), soit, la dose qu’un individu pourrait ingérer tous les jours de sa vie sans avoir d’effets néfastes. Cette dose prend également en compte les populations vulnérables, telles que les enfants et les femmes enceintes. La dose aiguë de référence est également déterminée, soit la dose qu’une personne pourrait ingérer en une journée de manière ponctuelle, sans subir des conséquences négatives sur sa santé. 
  • Dans un deuxième temps, la dose journalière potentielle (DJP) est calculée, soit la dose qu’une personne pourrait potentiellement ingérer quotidiennement selon différents régimes alimentaires. 
  • Dans un troisième temps, la quantité de résidus de pesticides que l’on peut retrouver sur chaque aliment est calculée, dans le cas où un pesticide est utilisé selon le mode d’emploi du fabricant. 
  • Finalement, la dose journalière potentielle, la dose journalière admissible et la dose aiguë de référence sont comparées, afin de fixer une LMR admissible détectable dans un aliment. Un pesticide ne sera pas approuvé si la dose journalière potentielle dépasse la dose journalière  admissible 6

Que savons-nous sur les résidus de pesticides dans notre alimentation et les risques sur la santé? 

La contamination des aliments par certains pesticides est un facteur de risque pour la santé, mais plusieurs scientifiques s’entendent sur le fait qu’il manque d’études à ce sujet. 

Pour ce qui est de la contamination des aliments, le rapport européen sur les résidus de pesticides rapporte qu’en 2021, la teneur en pesticides de 2,5 % des 87 863 aliments testés dépassait la LMR 7.

Alors que certaines études ont rapporté un lien entre l’alimentation biologique et la diminution de cancer, les effets à long terme d’une exposition via l’alimentation ne sont pas clairs 8. Il reste à savoir si le risque d’exposition chronique via la consommation d’aliments tels que les fruits et légumes, surpasse les bénéfices qu’on attribue à ceux-ci pour différents aspects de la santé.

En 2022, une étude publiée par des scientifiques de l’université Harvard a suivi près de 160 000 individus pendant 20 ans, et analysé le lien entre leur consommation de fruits et légumes (avec potentiel élevés ou non en résidus de pesticides) et la mortalité. Cette étude suggère que la consommation de fruits et légumes contenant de faibles potentiels de résidus de pesticides est inversement reliée à toute cause de mortalité 8. Et donc, manger des fruits et légumes sans résidus de pesticides et/ou ayant moins de chance d’en contenir serait meilleur pour la santé.

D’un autre côté, au Québec, une étude faite par des chercheurs de l’Institut national de santé publique (INSPQ) rapporte que les bénéfices de la consommation abondante de fruits et légumes surpassaient les risques reliés aux résidus de pesticides pouvant se trouver dans ces aliments 9. Les auteurs notent cependant que certaines incertitudes demeurent, et leur recommandation reste de tenter de réduire les risques d’exposition en trouvant des moyens alternatifs de lutte antiparasitaire. 

Comment réduire les risques?

Pour des aliments présentant un plus haut risque de résidus excédentaires par rapport à la LMR, il est possible de limiter son exposition en lavant les fruits et légumes, ou en optant pour des aliments provenant de l’agriculture biologique.

Consommer des produits sans pesticides et encourager une agriculture écologique réduit aussi les  contacts ou expositions à ces produits via l’environnement. Enfin, choisir des aliments sans pesticides peut également être un argument pour réduire notre empreinte environnementale. 

En conclusion

En conclusion, le sujet des pesticides est complexe et implique plusieurs acteurs, provenant entre autres des sphères politique, économique et environnementale. En tant que consommateur, on peut se demander quel est notre rôle et quel est l’impact de nos choix. Une chose est certaine, il est

important de rester informé, et de s’assurer que l’information que nous consommons provient de sources fiables basées sur la science la plus à jour. 

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Références
1) Blais, S. (2023, 20 juin). Ottawa lève la pause sur l’augmentation des limites de résidus de pesticides sur les aliments. Le Devoir. https://www.ledevoir.com/environnement/793327/ottawa-leve-la-pause-sur-l-augmentation-des-limites-de-residus-de-pesticides-sur-les-aliments

2) Gerbet, T. (2023, 20 juin). Ottawa va de nouveau permettre plus de pesticides dans certains aliments. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1989657/ottawa-pesticides-glyphosate-aliments-lmr
3) Gerbet, T. (2021, 30 mars). Québec reconnaît le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson. Radio-Canada. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1780853/parkinson-pesticides-maladie-professionnelle-quebec
4) Girard-Bossé, A. (2023, 27 juillet). Santé Canada propose un seuil décuplé pour un pesticide. La Presse. https://www.lapresse.ca/actualites/2023-07-27/betteraves-traitees-au-fludioxonil/sante-canada-propose-un-seuil-decuple-pour-un-pesticide.php
5) Environmental Working Group. (2023, mars 30). EWG’s 2023 Shopper’s Guide to Pesticides in Produce. https://www.ewg.org/foodnews/summary.php
6) Santé Canada (2023). LMR, santé humaine et salubrité alimentaire : Fixation des LMR. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/securite-produits-consommation/pesticides-lutte-antiparasitaire/public/proteger-votre-sante-environnement/pesticides-aliments/limites-maximales-residus-pesticides/comment-elles-sont-reglees.html
7) EFSA (European Food Safety Authority), Carrasco Cabrera, L et al. (2023). The 2021 European Union report on pesticide residues in food. EFSA Journal 2023; 21(4):7939, 89 pp. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2023.7939
8) Sandoval-Insausti H, et al. (2022). Intake of fruits and vegetables according to pesticide residue status in relation to all-cause and disease-specific mortality: Results from three prospective cohort studies. Environment International, 159, 107024. https://doi.org/10.1016/j.envint.2021.107024
9) Valcke M, et al. (2017). Human health risk assessment on the consumption of fruits and vegetables containing residual pesticides: A cancer and non-cancer risk/benefit perspective. Environment International, 108, 63-74. doi: 10.1016/j.envint.2017.07.023.

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