Les diètes émergentes (2/3)

Claudine Auger, journaliste
3 septembre 2020

Capsule scientifique tirée de la conférence de Catherine Lefebvre au Congrès annuel de médecine 2019 – Médecins francophones du Canada

Nutritionniste et chroniqueuse, Catherine Lefebvre a publié Sucre, vérités et conséquences en 2016. Elle coanime On s’appelle et on déjeune, un balado dédié à l’alimentation. Elle démystifie ici quelques unes des modes d’alimentation les plus populaires : la diète cétogène, le jeûne intermittent et le végétalisme. Deuxième article d’une série de trois.

Le jeûne intermittent

Dans notre société où rien ne semble favoriser le jeûne, alors que nous sommes continuellement exposés à l’accès facile à de la nourriture, où une option de grignotage à toute heure de la journée est toujours disponible, ce type de régime alimentaire suscite autant de questionnements que d’intérêt teinté de scepticisme. Le jeûne compte pourtant ses adeptes, dont l’animateur de radio et humoriste américain Joe Rogan ou le champion canadien d’arts martiaux mixtes Georges St-Pierre. Évidemment, la crédibilité de ces vedettes peut mener à un biais d’informations. Pour cette raison, Catherine Lefebvre suggère aux professionnels de la santé « de connaître ce qui se dit sur le jeûne intermittent afin d’être au courant et de comprendre l’information qui circule ».

Variant les périodes de privation, de quelques heures à plus d’une journée, avec des périodes d’alimentation sans restriction, le jeûne intermittent peut se conjuguer selon différentes formes. Le jeûne alternatif, par exemple, alterne une ou deux journées par semaine d’un jeûne de 24h à 36 h avec des journées d’alimentation sans restriction. Le jeûne modifié est probablement le plus utilisé, car le plus facile à suivre sans trop de changements d’habitudes. Il implique de ne pas manger pendant plusieurs heures par jour, entre 12h et 16h, en sautant le déjeuner, par exemple, mais en continuant de manger tous les jours. Il résulte généralement d’une baisse de 25% des calories. Le jeûne avec alimentation limitée dans le temps, quant à lui, se définit par une prise alimentaire restreinte dans une fenêtre temporelle de 4 à 8h seulement.

Selon Catherine Lefebvre, il est sans doute plus facile d’adopter le jeûne intermittent que de restreindre le nombre de calories par repas ou à un choix d’aliments. « Par exemple, on peut décider de ne pas manger après 19h, ce qui comporte aussi des bienfaits. »

Le jeûne, peu étudié

Il existe peu d’études à long terme sur le jeûne intermittent. Selon les études disponibles, il semble que le jeûne intermittent procure sensiblement les mêmes résultats que la restriction calorique continue (RCC) pour la perte de poids et l’amélioration de données métaboliques. Les données cliniques chez l’humain sont insuffisantes pour confirmer les bienfaits du jeûne intermittent dans le traitement du cancer.

Des études démontrent des résultats semblables en ce qui a trait à la perte de poids, selon le choix du jeûne intermittent versus la restriction calorique continue. « Mais, je le rappelle, l’aspect social et comportemental joue un rôle essentiel. Il faut également faire attention à ce que le jeûne ne soit pas une énième diète, parmi d’autres » souligne la nutritionniste.

Diètes émergentes : le jeûne intermitent -1 conférence de Catherine Lefebvre au Congrès annuel de médecine 2019 - Médecins francophones du Canada

Diètes émergentes : le jeûne intermitent -2 conférence de Catherine Lefebvre au Congrès annuel de médecine 2019 - Médecins francophones du Canada

En ce qui concerne le jeûne intermittent et son impact potentiel sur le cancer, Catherine Lefebvre précise que les études disponibles demeurent difficiles à utiliser, tant comme référence que pour les données probantes. « Selon la condition et l’intérêt du patient, le jeûne sera utilisé dans un contexte de perte de poids afin de bénéficier de l’effet cascade sur les résultats métaboliques. » La nutritionniste ajoute que le jeûne intermittent peut être un exercice pertinent pour se défaire de l’habitude du grignotage continuel. « Il permet de se rappeler ce que c’est que d’avoir faim, de réapprendre à écouter le sentiment de satiété. » Comme toute autre diète, afin d’éviter les carences et les risques sur la santé, il devrait être encadré par un professionnel. « Même si vous voyez un patient l’adopter pour les mauvaises raisons, soyez ouvert et accompagnez-le tout de même ! »

Les questions à se poser avant d’adopter le jeûne intermittent :

  • Seriez-vous capable de suivre une telle diète toute votre vie?
  • Est-ce qu’une simple réduction calorique, en incluant plus d’aliments de base (grains entiers, fruits et légumes, légumineuses) et limitant les aliments ultra-transformés, serait plus appropriée?
  • Quel est le ratio de risques/bienfaits d’une telle diète en fonction de la condition du patient?
  • Le patient sera-t-il bien encadré s’il décide tout de même d’entreprendre cette démarche?

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