Les diètes émergentes

Claudine Auger, journaliste
6 août 2020

Capsule scientifique tirée de la conférence de Catherine Lefebvre au Congrès annuel de médecine 2019 – Médecins francophones du Canada

Nutritionniste et chroniqueuse, Catherine Lefebvre a publié Sucre, vérités et conséquences en 2016. Elle coanime On s’appelle et on déjeune, un balado dédié à l’alimentation. Elle démystifie ici quelques modes d’alimentation des plus populaires : la diète cétogène, le jeûne intermittent et le végétalisme. Premier article d’une série de trois.

La diète cétogène

Très faible en glucides, la diète cétogène – désignée par VLCKD (Very Low Calorie Ketogenic Diet) répartit les calories quotidiennes de la manière suivante : en moyenne, 10 % de glucides, 20 % de protéines et 70 % de lipides. Adopter le « ceto », c’est donc essentiellement éliminer les sucres pour les remplacer par des gras dans l’alimentation, tels que l’huile végétale, les avocats, les produits laitiers. « Le risque, c’est que cette quête de gras peut dévier vers des gras saturés si elle n’est pas bien encadrée. En outre, elle laisse étonnamment de côté les fibres, les fruits et certains légumes et les légumineuses », explique Catherine Lefebvre.

« C’est une diète qui suscite le débat. De plus, son influence sociale est forte : c’est un régime tendance, très médiatisé alors que plusieurs célébrités s’y associent. Le danger, c’est que l’information véhiculée n’est pas toujours la bonne. On devrait demeurer critique face aux diètes à la mode qui circulent », prévient la nutritionniste.

Entre études, bienfaits potentiels et réalité quotidienne

Les études concernant la diète cétogène sont de courte durée et réalisées avec des échantillons de petite taille. Il y a donc très peu de données fiables sur les effets secondaires potentiels à long terme de ce régime à la mode. Selon Catherine Lefebvre, certains professionnels qui la conseillent dans leur pratique notent de bons résultats. Par contre, si les études démontrent une perte de poids à court terme (incertain après six mois), elles mettent aussi en lumière certains risques, notamment celui de carences nutritionnelles, de lithiases rénales et de maladies hépatiques, de constipation et d’impact sur le microbiote, ainsi que la possibilité de développer des troubles de comportements alimentaires – autant de risques potentiels et d’incertitudes, puisque la diète cétogène n’est pas encore sérieusement étudiée.

Par ailleurs, l’amélioration des données cardiométaboliques (HbA1c, TA, TG) à court terme est certainement intéressante dans un contexte clinique, mais ce régime a un impact réel sur le contexte social. Est-ce que toute la famille est prête à suivre cette diète? Comment gérer les repas entre amis? Quelle place prendra le céto dans la vie de l’adepte à long terme, pourra-t-il s’y tenir?

Avant de se mettre à la table céto

Manger est un acte social. « Ce sur quoi j’insiste, c’est l’aspect social et culturel de l’alimentation, car les études sont réalisées en laboratoire, évacuant tout un contexte, les repas en famille ou entre amis, la compulsion alimentaire, etc. » Bref, si les résultats des études peuvent être intéressants, il importe de mettre en relief le contexte quotidien dans lequel cette diète est adoptée et l’accompagnement nécessaire pour équilibrer et sécuriser la démarche.

Ainsi, avant d’adopter la diète cétogène, il importe de réfléchir à plusieurs questions :

  • Seriez-vous capable de suivre une telle diète toute votre vie?
  • Est-ce qu’une simple réduction de l’apport en glucides, en incluant plus de grains entiers plutôt que raffinés, serait plus appropriée?
  • Est-ce que le patient est à risque de faire de l’ostéoporose, de maladies rénales, de troubles de comportements alimentaires, ou autres conditions liées aux risques de cette diète?
  • Quel est le ratio de risques/bienfaits d’une telle diète en fonction de la condition du patient?
  • Le patient sera-t-il bien encadré s’il décide tout de même d’entreprendre cette démarche?

Comme le rappelle Catherine Lefebvre en conclusion sur le céto, « le danger des diètes drastiques, c’est l’effet rebond lors de l’arrêt, et du coup, la perte des bénéfices métaboliques. C’est là qu’il devient important de bien réfléchir au contexte, donnée essentielle de l’équation. L’encadrement, d’une manière ou d’une autre, facilite l’acquisition de saines habitudes de vie. »