Capsule scientifique tirée de la conférence du docteur Olivier Beauchet présentée lors du Congrès annuel de médecine 2024.
L’art constitue une expérience esthétique qui déclenche des émotions positives et procure de nombreux bienfaits pour la santé. Le docteur Olivier Beauchet est un clinicien-chercheur, gériatre et neurologue à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Il est également cotitulaire de la Chaire de recherche en économie créative et mieux-être (CREAT) du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, responsable de l’axe art et santé.
Dans le cadre de cette conférence, il nous explique les effets physiques, psychiques et sociaux de l’exposition à l’art, présente les données probantes en lien avec la participation de patients à des activités artistiques et démontre le potentiel de la prescription muséale pour améliorer la santé et prévenir les problèmes de santé en soins primaires.
Dans ce deuxième article d’une série de deux, le docteur Beauchet discutera des effets de la muséothérapie sur la santé et du potentiel de la prescription muséale.
La muséothérapie au service de la santé
Traditionnellement voués à des rôles de collectionneurs et de gardiens d’artéfacts culturels, les musées ont peu à peu évolué pour devenir de véritables institutions de recherche et, plus récemment, des acteurs de santé publique. D’ailleurs, l’English Alliance of Museum for Health and Wellbeing décrivait dès 2018 les activités artistiques dans les musées comme des interventions efficaces et rentables pour améliorer la santé.
Dès 2015, l’équipe du docteur Beauchet s’est penchée sur le rôle des musées dans l’amélioration de la santé mentale, physique et sociale des personnes aînées vivant dans la communauté. Effectivement, bien que de plus en plus de données démontraient alors les bienfaits de l’art sur la santé mentale, peu d’études avaient évalué ses effets sur la santé physique. De plus, l’absence d’essais cliniques randomisés contrôlés et de données chez les personnes aînées vivant dans la communauté limitait le rôle des musées en prévention et promotion de la santé.
Les recherches de l’équipe du docteur Beauchet dans les musées se sont déroulées en trois temps. Tout d’abord, une étude prospective a permis d’évaluer l’état des lieux et de démontrer que l’art entraînait des effets bénéfiques sur la santé des personnes aînées vivant dans la communauté. Pour ce faire, les participants ont pris part aux ateliers d’arts plastiques les « Beaux-Jeudis », offerts chaque semaine durant trois mois au Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM). Les effets de ces ateliers ont par la suite été confirmés lors d’un essai clinique randomisé contrôlé, puis dans le cadre du programme A-Health Studies, qui s’est échelonné sur une période de 10 ans et qui a pris place non seulement au Québec, mais aussi dans d’autres villes du monde, notamment Singapour, Taiwan et Tokyo.
Ces études révèlent que l’activité artistique améliore effectivement le bien-être, la qualité de vie et l’état de santé des aînés vivant dans la communauté. L’ampleur de cette amélioration varie toutefois selon le critère évalué. Par exemple, chaque atelier générait rapidement un effet positif sur le bien-être des participants. De son côté, la qualité de vie des participants s’améliorait de manière plus lente, mais progressive tout au long de la série d’ateliers au cours de la période de trois mois. Enfin, la santé physique, mesurée par la fragilité des participants, s’améliorait uniquement à la fin des trois mois, avec un effet persistant après un an.
Une autre étude menée pendant la pandémie par l’équipe du docteur Beauchet a montré des résultats similaires lorsque les personnes aînées de la communauté participaient à une visite virtuelle du MBAM, sous la supervision d’un guide accompagnateur.
Oserez-vous la prescription muséale ?
Compte tenu des effets bénéfiques démontrés de l’art sur la santé, les médecins gagneraient-ils à prescrire une visite au musée à leurs patients ? Une étude menée par l’équipe du docteur Beauchet, en collaboration avec Médecins francophones du Canada, a permis d’examiner les effets sur le bien-être et la qualité de vie d’une visite unique au MBAM, lorsque celle-ci était prescrite par un médecin dans le cadre de soins primaires et secondaires, chez des personnes vivant à Montréal. Au total, 86 patients âgés en moyenne de 51,5 ans ont participé à cette étude expérimentale non randomisée de type pré/post-intervention avec collecte prospective de données. Avant et après leur visite au MBAM, les participants ont rempli un auto-questionnaire en ligne qui incluait l’échelle de Warwick-Edinburgh (WEMWBS) et l’EuroQol-5D (EQ-5D), mesurant respectivement le bien-être mental et la qualité de vie.
Au terme de l’étude, l’analyse des questionnaires a révélé que la visite du MBAM, lorsqu’elle était prescrite par un médecin, améliorait significativement le bien-être et la qualité de vie des participants, en particulier chez les personnes présentant une pathologie aiguë et chez celles qui affirmaient avoir un moral bas. Ces résultats encourageants devront cependant être confirmés dans le cadre d’un essai clinique randomisé contrôlé.
Dans l’attente, le docteur Beauchet appelle à l’ouverture et rappelle que l’art fait du bien à tous, peu importe l’état de santé, l’activité artistique pratiquée et sa fréquence. Les effets de l’art vont d’ailleurs au-delà de la santé des patients, contribuant à une offre de soins plus humaniste, puisqu’elle améliore le rapport entre le patient et sa famille, mais aussi entre eux et les professionnels de la santé.
Les médecins peuvent contribuer à intégrer l’art dans les soins offerts à leurs patients. La première étape est d’y penser de manière systématique et d’ajouter l’approche aux soins conventionnels qui leur sont déjà offerts, en prenant soin de leur expliquer les bienfaits associés. Relèverez-vous le défi ?
>Voir tous les articles
>Consultez la liste de nos webinaires et formations