Hypothyroïdie et nutrition: ce que vous devez savoir

Kathryn Adel, M.Sc, Dt.P, CSSD
Nutritionniste chez SOSCuisine.com

14 mai 2020

L’hypothyroïdie est une condition qui affecte jusqu’à 5% de la population nord-américaine et européenne. Les femmes ménopausées sont les plus touchées par cette maladie. Il existe plusieurs mythes alimentaires entourant la fonction thyroïdienne. Voici l’heure juste sur le sujet.

La glande thyroïde

La thyroïde est une glande endocrine située à l’avant du cou. Elle sécrète deux hormones, soient la triiodothyronine (T3) et la thyroxine (T4). Ces hormones régulent de nombreuses fonctions du corps incluant le métabolisme des graisses et des glucides, la respiration, la température corporelle, le développement du cerveau, le taux de cholestérol, le cœur, le système nerveux, le taux de calcium dans le sang, le cycle menstruel et l’intégrité de la peau.

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L’hypothyroïdie

L’hypothyroïdie est un trouble qui survient lorsque la glande thyroïde ne produit pas suffisamment d’hormones thyroïdiennes pour les besoins du corps. Elle est le plus souvent causée par une réponse auto-immune connue sous le nom de maladie de Hashimoto. Le manque d’hormones thyroïdiennes ralentit le métabolisme et peut entraîner divers symptômes qui varient d’une personne à l’autre incluant une prise de poids, de la fatigue, une peau et des cheveux secs et des troubles de concentration. De plus, les personnes atteintes d’hypothyroïdie ont un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire et de diabète. En effet, les niveaux abaissés d’hormones thyroïdiennes peuvent augmenter le taux de cholestérol LDL, la pression artérielle, le niveau d’homocystéine (marqueur de l’inflammation) et peuvent affecter le métabolisme des glucides.

Hypothyroïdie et gestion du poids

Chez la plupart des gens, l’hypothyroïdie entraîne un gain de poids de même que de la difficulté à perdre du poids jusqu’à ce que les niveaux d’hormones se stabilisent. Cela est dû au fait que le manque d’hormones diminue le métabolisme de base, c’est-à-dire qu’on brûle moins de calories au repos. Il peut donc être nécessaire de diminuer son apport calorique. Pour ce faire, on conseille de limiter les calories liquides (alcool et boissons sucrées) et de consommer au moins 3 tasses de légumes par jour. Au besoin, on peut intégrer des collations riches en fibres et en protéines pour favoriser la satiété et ainsi pouvoir réduire la taille de ses portions au prochain repas. Une autre façon de pallier la diminution du métabolisme est de bouger plus. En plus d’augmenter la dépense calorique, l’activité physique peut aider à contrer la fatigue. Si la fatigue demeure un obstacle à l’exercice, on peut utiliser un podomètre comme source de motivation pour tenter d’être plus actif lors de ses activités de la vie quotidienne. Il ne faut pas non plus négliger le stress et le sommeil, qui ont aussi une influence sur la gestion du poids corporel. En bref, il est essentiel d’adopter des habitudes de vie saines telles qu’une alimentation équilibrée, une pratique d’activité physique régulière, une bonne gestion du stress et un sommeil adéquat.

Aliments et nutriments qui peuvent affecter la fonction thyroïdienne

Plusieurs aliments et nutriments peuvent affecter la fonction thyroïdienne. Les voici:

L’iode

L’iode est un nutriment vital et essentiel à la fonction thyroïdienne. Alors que les maladies auto-immunes sont la principale cause de dysfonctionnement thyroïdien en Amérique du Nord et en Europe, la carence en iode est la principale cause dans le monde. Une carence en iode est plus rare dans les pays industrialisés, en grande partie grâce à l’utilisation du sel enrichi en iode. Les besoins quotidiens en iode sont de 150 μg chez les adultes et de 220 et 290 μg chez les femmes enceintes et allaitantes respectivement. La meilleure façon de combler ses besoins en iode est d’adopter une alimentation variée et équilibrée. Le sel iodé contient environ 90 μg d’iode pour ¼ de cuillérée à thé (1.5 g), mais la quantité varie selon les marques. Le poisson, les produits laitiers et les végétaux cultivés dans un sol riche en iode constituent aussi d’excellentes sources d’iode. Par exemple, 90 g (3 oz) de morue cuite en fournit environ 100 μg et 250 mL (1 tasse) de lait en fournit environ 55 μg. Il est à noter qu’un apport excessif en iode peut réduire la fonction de la glande thyroïde. Ainsi, la prise d’un supplément d’iode avec des médicaments antithyroïdiens peut avoir un effet additif et provoquer une hypothyroïdie.

Le soya et autres aliments goitrogènes

Le soya et les légumes crucifères comme le brocoli, le chou-fleur et le chou sont des aliments potentiellement goitrigènes, c’est-à-dire qu’ils peuvent perturber le fonctionnement de la glande thyroïde.

Concernant les légumes crucifères, il est documenté que les risques que leur ingestion puisse altérer la fonction thyroïdienne sont faibles si les apports en iode sont adéquats. Donc, il n’est pas nécessaire de les éviter. Il est aussi à noter que le chauffage des légumes crucifères inactive les effets goitrigènes potentiels de ces derniers.

En ce qui concerne le soya, en l’absence d’anomalie de la glande thyroïde, les risques que son ingestion puisse altérer la fonction thyroïdienne sont faibles. Toutefois, les effets de la consommation de soya chez les gens qui souffrent d’hypothyroïdie demeurent controversés. Une étude a observé un risque trois fois plus élevé de développer une hypothyroïdie manifeste avec un régime végétarien (16 mg par jour de phytoestrogènes de soya) comparativement à un régime occidental (2 mg par jour de phytoestrogènes de soya) chez des patients atteints d’hypothyroïdie subclinique1. Dans une étude plus récente2, une dose pharmacologique très élevée de phytoestrogènes de soya (66 mg par jour) n’a pas altéré la fonction thyroïdienne chez des patients atteints d’hypothyroïdie subclinique. D’autres études sont donc nécessaires pour mieux comprendre les effets de la consommation de soya sur la fonction thyroïdienne chez les personnes souffrant d’hypothyroïdie. En attendant, ces personnes devraient consommer des aliments à base de soya en modération. Il est aussi à noter que dans le cas d’une hypothyroïdie médicamentée, il est recommandé́ d’espacer de quelques heures la prise d’hormones thyroïdiennes de substitution (Synthroid) et la consommation de soya.

La vitamine D

Une carence en vitamine D est associée à l’hypothyroïdie. De plus, l’hypothyroïdie non traitée peut entraîner une perte osseuse qui peut être aggravée par la carence en vitamine D couramment observée chez les personnes souffrant d’hyperthyroïdie. La vitamine D est majoritairement synthétisée par la peau si cette dernière est suffisamment exposée aux rayons ultraviolets du soleil. Elle se retrouve naturellement dans très peu d’aliments. Les seuls aliments qui en contiennent sous sa forme naturelle sont les poissons gras, les champignons shiitakes et les jaunes d’œufs. Les autres sources de vitamine D dans notre alimentation proviennent d’aliments enrichis tels que le lait, la margarine et certaines boissons végétales. En Amérique du Nord, pendant les mois d’hiver, la peau n’est pas suffisamment exposée au soleil pour produire assez de vitamine D et il est très difficile d’atteindre ses besoins en vitamine D uniquement via l’alimentation. Ainsi, un supplément de vitamine D est recommandé pendant les mois d’hiver pour les adultes de tout âge, et toute l’année pour les personnes âgées de 50 ans et plus.

Le sélénium

Le sélénium est un oligo-élément essentiel faisant partie intégrante de la fonction thyroïdienne.  Les besoins en sélénium chez l’adulte sont de 55 μg par jour. La teneur en sélénium des aliments d’origine végétale dépend de la quantité de sélénium contenue dans le sol d’une région donnée. En Amérique du Nord et en Europe, il est rarement nécessaire d’avoir recours à un supplément de sélénium puisque nos besoins sont largement comblés via l’alimentation. Le blé cultivé en Amérique du Nord constitue une bonne source de sélénium. Au Canada, tous les animaux d’élevage reçoivent un supplément de sélénium dans leur alimentation. Les poissons, fruits de mer ainsi que certaines noix (noix du Brésil et de Grenoble) constituent également d’excellentes sources de sélénium. Par exemple, 6 à 8 noix du Brésil procurent environ 840 μg de sélénium, 90 g (3 oz) de thon en conserve en contient 70 μg et une tranche de pain de blé entier en contient 10 μg.

La vitamine B12

Des études démontrent que les gens atteints d’hypothyroïdie sont plus à risque d’avoir une carence en vitamine B123. Il est donc recommandé de faire un bilan sanguin annuel pour vérifier son taux sanguin de B12. Cette vitamine se retrouve principalement dans les aliments de source animale (viande, volaille, poisson, produits laitiers et œufs).

Interactions médicamenteuses

Le soya, le café, de  même que les suppléments de calcium et de fer peuvent interférer avec l’absorption des médicaments pour l’hypothyroïdie (Synthroid)4. Ainsi, il est recommandé de ne pas les consommer en même temps.

Pour les patients

SOSCuisine offre des menus basés sur la diète méditerranéenne, qui peuvent aider les patients atteints d’hypothyroïdie à suivre une alimentation conforme aux recommandations énumérées ci-dessus et à atteindre un poids santé. Ces menus satisfont les apports nutritionnels de reférence (ANREFs) en iode, sélénium et vitamine B12, et assurent un apport adéquat en légumes et fibres alimentaires pour favoriser la satiété et la santé du microbiote intestinal, en plus d’être  disponibles en version sans soya.


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Références

  1. Sathyapalan et coll. (2011) The Effect of Soy Phytoestrogen Supplementation on Thyroid Status and Cardiovascular Risk Markers in Patients with Subclinical Hypothyroidism: A Randomized, Double-Blind, Crossover Study. JCEM; 96 (5):1442-49.
  2. Sathyapalan et coll. (2018) The Effect of Phytoestrogen on Thyroid in Subclinical Hypothyroidism: Randomized, Double Blind, Crossover Study. Front Endocrinol (Lausanne); 9:531.
  3. Sworczak et Wisniewski (2011). The role of vitamins in the prevention and treatment of thyroid disorders. Endokrynol Pol;62(4):340-344.
  4. Skelin et coll. (2017) Factors Affecting Gastrointestinal Absorption of Levothyroxine: A Review. Clin Ther; 39(2):378-403.
  5. Extenso (2012) Le soya et l’hypothyroïdie. https://extenso.org/article/le-soya-et-l-hypothyroidie/
  6. National Institute of Diabetes and digestive and kidney disease (2013) www.endocrine.niddk.nih.gov