Faut-il avoir peur des lectines?

Jennifer Morzier, B.Sc, Dt.P
Nutritionniste chez SOSCuisine.com

6 août 2020

On entend de plus en plus parler des lectines et de leurs impacts négatifs potentiels sur notre santé. Elles seraient notamment responsables de favoriser le gain de poids, les troubles digestifs et le développement d’intolérances alimentaires. Voilà pourquoi certains auteurs, dont le Dr Steven Gundry avec son livre “Le Paradoxe des plantes : les dangers cachés de l’alimentation saine à l’origine de maladies et de prise de poids” 1, recommandent d’adopter une alimentation sans lectines. Si vous vous demandez si les lectines sont néfastes pour la santé, les prochaines lignes vont vous aider à y voir plus clair!

Tout d’abord, que sont les lectines?

Les lectines sont un type de protéine présente dans les végétaux. Elles joueraient un rôle protecteur contre les bactéries, virus, et champignons pathogènes ainsi que certains insectes prédateurs2.  On retrouve des lectines en grande quantité dans les grains entiers, les légumineuses, les noix (cacahuètes et noix de cajou), ainsi que dans les légumes, dont principalement ceux de la famille des solanacées comme les tomates, les poivrons, les pommes de terre et les aubergines.

Pour approfondir vos connaissances, des formations adaptées et accréditées

Les lectines sont elles néfastes pour la santé?

Un aspect négatif des lectines est qu’elles sont considérées comme des ‘anti-nutriments’ car elles peuvent interférer avec l’absorption de certains nutriments tels que le calcium, le fer, le phosphore et le zinc3,4.

De plus, consommées en grande quantité dans leur état actif (dans un aliment cru), les lectines pourraient non seulement causer des troubles digestifs chez l’humain, tels que ballonnements et gaz, mais pourraient également être à l’origine de symptômes plus graves tels que nausées, vomissements, maux d’estomac et diarrhées3. C’est le cas d’une lectine spécifique, la phytohémagglutinine, que l’on retrouve dans les légumineuses – notamment les haricots rouges, blancs et noirs crus ou insuffisamment cuits – et qui les rend toxiques pour les humains. Mais heureusement, nous consommons nos légumineuses bien cuites!

Outre les symptômes digestifs, certains rapportent que les lectines pourraient causer inflammation, prise de poids et perméabilité intestinale. Cependant, il manque d’études scientifiques réalisées sur les humains pour valider ces hypothèses.

Notons que les aliments les plus riches en lectines comme les légumineuses, les pommes de terre, les grains entiers et les aubergines, sont toujours consommés cuits. Ainsi, manger des aliments riches en lectines actives est rare.

En revanche, la tomate, elle aussi riche en lectines, est très souvent consommée crue. Cependant, on ne retrouve dans la littérature aucun cas de symptômes indésirables (nausées, vomissements) associés aux lectines provenant de tomates crues. Les lectines spécifiques aux tomates (lycopersicon esculentum agglutinin) sont donc mieux tolérées que celles des haricots crus5.

Peut-on réduire la teneur en lectine des aliments?

Comme on vient de le voir, les haricots crus peuvent causer de graves troubles digestifs; cependant, lorsqu’ils sont bien cuits, il n’y a pas raison de s’inquiéter. Pourquoi? Parce-qu’étant des protéines, les lectines peuvent être dénaturées par la chaleur. En cuisant les aliments à haute température, on diminue grandement leur teneur en lectine.

Pour cette raison, il faut faire attention à la cuisson à la mijoteuse, qui ne permet pas d’atteindre une température suffisamment élevée, soit 100 °C (212 °F). Si l’on désire utiliser cette méthode de cuisson pour les légumineuses, il est important de les faire bouillir au moins 10 minutes avant de les mettre dans la mijoteuse5.

Les procédés utilisés pour mettre les légumineuses en conserve permettent également de détruire les lectines4. Aussi, la fermentation6 permettrait de réduire la concentration de lectines présentes dans les céréales et les légumineuses.

Enfin, il est à noter que le corps humain peut produire des enzymes pendant la digestion qui dégradent certaines lectines.

Faut-il éliminer les lectines de notre alimentation?

Riches en vitamines, minéraux, antioxydants et fibres, les fruits, légumes, noix, légumineuses et grains entiers sont reconnus par la science pour leurs nombreux avantages sur la santé, tels que la réduction du risque de maladies cardiovasculaires, la perte de poids, un risque plus faible de développer le diabète de type 2, des effets anti-inflammatoires voir même la réduction des taux de cancer7-9.

Pas étonnant que l’alimentation des habitants des pays ayant la plus longue longévité10, repose principalement sur la consommation de légumineuses, de grains entiers et de légumes. De ce fait, inclure ces aliments dans votre alimentation est bien plus avantageux que de les exclure.

De plus, certaines études démontrent le potentiel positif des lectines4. Celles-ci pourraient notamment agir comme antioxydant et empêcher une trop grande variation de la glycémie en ralentissant la digestion et l’absorption des glucides.

En conclusion

En conclusion, retirer de votre alimentation les aliments riches en lectines n’est pas avantageux, car ces aliments renferment également de nombreux nutriments essentiels à la santé. Si vous éprouvez des symptômes, digestifs ou autres, que vous pensez être liés aux aliments que vous consommez, une de vos meilleures options reste de consulter une nutritionniste. Assurer à son corps tous les apports nutritionnels dont il a besoin n’est pas si compliqué. En revanche, lorsqu’on restreint son alimentation et qu’on exclut des groupes d’aliments, on se met à risque. Une nutritionniste vous aidera à revoir votre alimentation et pourra vous proposer des modifications visant l’atténuation de vos symptômes en maximisant la diversité alimentaire.


SOSCuisine.com offre une large gamme de menus spécialisés, conçus par nutritionnistes, pour une trentaine de conditions médicales et autres besoins. Le service est recommandé par plusieurs organismes du secteur de la santé dont le CHUM et le Centre EPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal. Pour voir ou essayer ces menus, cliquez ici afin de vous inscrire gratuitement au service PREMIUM de SOSCuisine.com offert avec votre adhésion à Médecins francophones du Canada.

Médecins francophones du Canada et SOSCuisine.com ont aussi développé un carnet de prescription alimentaire pour vous permettre d’aider vos patients ; cliquez ici pour en savoir plus.


Références

  1. Steven R Gundry. Mai 2018. Le Paradoxe des plantes : les dangers cachés de l’alimentation saine à l’origine de maladies et de prise de poids. Éditeur: QUANTO
  2. Peumans, Willy J., and E. J. Van Damme. Lectins as plant defense proteins. Plant physiology 109.2 (1995): 347.
  3. Vasconcelos, Ilka M., and José Tadeu A. Oliveira. Antinutritional properties of plant lectins. Toxicon 44.4 (2004): 385-403.
  4. Harvard. Lectins. Consulté le 14 avril 2020.
  5. Pennutrition. 2018. Lectins – Are They Damaging to Our Health? 2018
  6. Cuadrado C, et al. Effect of natural fermentation on the lectin of lentils measured by immunological measures. J Food Agric Immunol 2002;14:41-49
  7. Liu, Simin, et al. Whole-grain consumption and risk of coronary heart disease: results from the Nurses’ Health Study. The American journal of clinical nutrition 70.3 (1999): 412-419.
  8. Aune, Dagfinn, et al. Whole grain and refined grain consumption and the risk of type 2 diabetes: a systematic review and dose–response meta-analysis of cohort studies. European journal of epidemiology 28.11 (2013): 845-858.
  9. de Munter, Jeroen SL, et al. Whole grain, bran, and germ intake and risk of type 2 diabetes: a prospective cohort study and systematic review. PLoS medicine 4.8 (2007).
  10. Valter Longo. Janvier 2018. The longevity diet. Éditeur: Avery.
  11. Panacer, Kirpal, and Peter J. Whorwell. Dietary Lectin exclusion: The next big food trend?. World journal of gastroenterology 25.24 (2019): 2973.