Urgentologue et clinicien chercheur à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, professeur à la faculté de médecine de l’Université de Montréal, vice-président de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, président du comité environnement de Médecins francophones du Canada, le Dr Éric Notebaert se préoccupe depuis trois décennies des défis environnementaux et de leurs conséquences sur la santé. Son dynamisme et son dévouement à cette cause lui ont permis de rallier des partenaires à travers toute la francophonie pour une rencontre unique en mai prochain lors du premier Colloque international francophone Climat et santé présenté par Médecins francophones du Canada et ses partenaires.
Une saine prise de conscience
Le Dr Éric Notebaert est optimiste. Si le corps médical a mis du temps à comprendre l’urgence d’agir face aux changements climatiques, il est désormais en action. Selon lui, le contexte de l’actuelle pandémie a accéléré ce mouvement. « Ces derniers mois difficiles ont obligé les gens à repenser ce que j’appelle le ‘non-respect des limites de la nature’ qui mène notamment au contact avec des agents infectieux. En outre, on perçoit concrètement les désordres de plus en plus extrêmes du climat et de leurs impacts sur la santé. Je constate que beaucoup de jeunes médecins sont largement mobilisés. » La réflexion et la prise de conscience ont permis d’accélérer le changement en multipliant les initiatives dans le réseau de la santé.
Ici, rappelons la consommation et le gaspillage considérables dans les hôpitaux. Selon le Dr Éric Notebaert, devant un acte médical, plusieurs questions s’imposent, en collaboration avec le patient : « Quel genre d’intervention, d’investigation devrait-on viser en accord avec les valeurs et les besoins du patient? » L’urgentologue choisit l’exemple de la surinvestigation liée à l’embolie pulmonaire. « Est-ce que l’imagerie médicale est vraiment nécessaire? Parce qu’il y a des coûts reliés à ça, en plus d’un impact environnemental. Ainsi, quand on trouve une petite tache aux poumons, souvent sans conséquence, en décidant de réaliser un scan aux trois mois, aux six mois, pour s’assurer que c’est stable, on risque d’utiliser des ressources de manière inappropriée, en plus de stresser les patients… qui se voient déjà plus malades. Sans parler du rayonnement ionisant significatif qui aura peut-être un impact négatif à long terme. »
Une seule santé
Heureusement, les professionnels de la santé prennent de plus en plus conscience des conséquences de la surinvestigation. Plus encore, la réflexion évolue vers une approche plus large de la santé. Référant à l’ouvrage collectif paru il y a un an, Health in the anthropocene, le Dr Éric Notebaert évoque des approches holistiques, globales, plus naturelles et moins spécifiquement médicales qui peuvent apporter un grand soulagement, au-delà, bien souvent, de la médication. « Prenons l’exemple concret d’un projet pilote d’agriculture urbaine sur lequel je travaille en ce moment avec le Pavillon Albert Prévost de l’Hôpital Sacré-Cœur de Montréal : ce projet qui sera mis en place au printemps avec des patients qui ont des problèmes cognitifs ou psychiatriques, leur permettra de cultiver des fruits et des légumes biologiques. » Comme l’explique le spécialiste, en plus de tirer avantage d’une saine alimentation grâce à leur potager, ces patients amélioreront leur condition physique grâce à l’exercice procuré par le jardinage et profiteront des bienfaits d’une activité communautaire et d’un plus grand sentiment d’appartenance. « Autant d’éléments qui favoriseront la diminution de médicaments et qui ont prouvé leur efficacité dans une santé globale », conclut le médecin.
Parler d’environnement ouvre inévitablement sur un horizon plus vaste qui englobe l’humain dans son entièreté. Selon le Dr Éric Notebaert, l’approche de la santé doit se déployer au-delà de l’individu seul. Elle doit s’intégrer à la vision de toute la communauté. « Les études le démontrent : des villes à échelle plus humaines, avec davantage de transport actif, sont des villes où il y a moins d’accidents, moins de criminalité, un plus grand sentiment d’appartenance, une meilleure qualité de vie… et une meilleure santé générale de la population. » Intégrer l’humain, la vie animale, l’environnement pour repenser une seule santé.
Un colloque pour inspirer et agir
Devant l’urgence d’agir, initiateur d’un projet d’envergure pour rassembler la communauté médicale autour de l’urgence d’agir pour le climat et la santé, le Dr Éric Notebaert est heureux de constater l’engouement des partenaires rassemblés pour y participer. Le colloque aura lieu du 17 au 21 mai prochain. « C’est un programme ambitieux, qui ratisse large, avec de nombreux conférenciers venant de toute la francophonie, des Antilles à la Suisse, en passant par la France et plusieurs pays d’Afrique. Ensemble, nous allons explorer diverses thématiques : hôpitaux verts, changements climatiques et catastrophes environnementales, droit et climat, manières de repenser la ville, formation médicale et réflexion majeure sur l’intégration des questions environnementales dans la formation du personnel soignant et de santé, et plus encore », énumère l’urgentologue, ajoutant que des initiatives concrètes seront présentées afin de donner la parole à ceux qui ont des idées inspirantes.
Comme il le souligne, dans ce contexte difficile de pandémie où de plus en plus de personnes désirent agir afin de participer à sauver la planète, un partage de cette ampleur est positif et redonne un pouvoir certain. « Nous accueillerons des médecins qui vont présenter leurs propres projets dans leur clinique et ce qu’ils ont mis en œuvre pour changer les choses. » L’objectif est donc clair : par des modèles concrets, accessibles et qui ont fonctionné, offrir des pistes de solutions réalistes. Il est urgent d’agir, répète le Dr Éric Notebaert. Ensemble.
Colloque international francophone climat et santé
En virtuel, du 17 au 21 mai 2021
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