Capsule scientifique tirée de la conférence du docteur Olivier Beauchet présentée lors du Congrès annuel de médecine 2024.
L’art constitue une expérience esthétique qui déclenche des émotions positives et procure de nombreux bienfaits pour la santé. Le docteur Olivier Beauchet est un clinicien-chercheur, gériatre et neurologue à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Il est également cotitulaire de la Chaire de recherche en économie créative et mieux-être (CREAT) du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, responsable de l’axe art et santé. Dans le cadre de cette conférence, il nous explique les effets physiques, psychiques et sociaux de l’exposition à l’art, présente les données probantes en lien avec la participation de patients à des activités artistiques et démontre le potentiel de la prescription muséale pour améliorer la santé et prévenir les problèmes de santé en soins primaires.
Dans ce premier article d’une série de deux, le docteur Beauchet abordera les bienfaits de l’art sur la santé mentale, physique et sociale des personnes âgées.
L’art fait du bien
L’art-thérapie est une discipline qui utilise l’art dans le but d’améliorer la santé. L’approche remonte au 19e siècle, époque où son recours s’inscrivait surtout en prévention secondaire et tertiaire, notamment chez les personnes atteintes d’un trouble de santé mentale. Aujourd’hui, l’accumulation de données probantes renforce l’idée que les bienfaits de l’art vont au-delà des personnes malades, de la santé mentale et de l’individu. L’art peut en effet contribuer au mieux-être collectif et à la santé sociale. Ses effets s’étendraient même à la prévention primaire et à la promotion de la santé des populations.
Les bienfaits de l’art ont été confirmés en novembre 2019 dans le cadre d’une revue de cadrage effectuée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’étude visait à identifier les données probantes confirmant le rôle des arts dans l’amélioration de la santé et du bien-être. L’analyse de plus de 900 publications a permis de conclure que les activités artistiques, quels que soient leur type et leurs caractéristiques, peuvent entraîner des effets bénéfiques à la fois psychologiques, physiques, physiologiques et comportementaux, et ce, autant chez les personnes malades que chez celles qui sont en bonne santé.
Dans sa revue sur les effets de l’art sur la santé, l’OMS identifie cependant plusieurs défis et enjeux à l’intégration des arts dans le continuum de soins. Parmi ceux-ci, notons les barrières d’accès à l’art et à ses effets, l’établissement de partenariats du secteur de la santé avec celui des sciences sociales et des arts, la mise en place de politiques de santé publique intégrant l’art dans les actions de prévention et de promotion de la santé de même que la formation des professionnels de la santé actuels et futurs.
Vers une meilleure intégration des arts en santé
Selon le docteur Beauchet, le transfert de connaissances constitue l’une des avenues prometteuses pour relever les défis et enjeux liés à l’intégration de l’art en santé. Des initiatives telles que l’École d’été 2024 – Arts, Culture, Société et Santé, mise en place grâce aux Fonds de recherche du Québec, y contribuent activement en misant sur la formation et l’information des professionnels de la santé. Plus précisément, l’objectif de cette École d’été vise à sensibiliser les médecins et futurs médecins à l’importance de l’art en médecine en les amenant à percevoir l’art comme une forme de thérapie pour les patients, le tout dans une optique d’interdisciplinarité.
L’intégration des arts en santé dépend aussi de la recherche clinique, qui permet de valider les bénéfices de l’art pour le système de santé. En examinant la relation entre les arts et la santé, l’objectif est de démontrer que l’art contribue à une meilleure santé, tout en générant des économies pour le système. Ces dernières années, la recherche clinique a grandement contribué à appuyer cette perspective, comme le démontrent entre autres les recherches menées par l’équipe du docteur Beauchet.
Les bienfaits de l’art
Partant des prémisses que l’art agit positivement sur la qualité de vie d’un individu et que de plus en plus de personnes âgées sont malades et hospitalisées, le docteur Beauchet et son équipe se sont demandé si l’art inclusif gériatrique, une forme d’art-thérapie, pouvait améliorer les capacités des patients âgés hospitalisés et ainsi réduire la durée de leur séjour à l’hôpital. L’équipe a entrepris d’examiner les effets d’une seule séance d’art inclusif gériatrique sur la durée d’hospitalisation de patients dans un service de court séjour gériatrique dans le cadre d’une étude cas-témoin.
Parmi les 188 participants, la moitié (93 personnes) a été invitée à participer à un atelier de groupe au cours duquel chacun devait réaliser une peinture avec le soutien d’une accompagnatrice et d’une infirmière. L’autre moitié (95 personnes) constituait le groupe témoin.
Au terme de l’étude, les patients hospitalisés qui avaient participé à l’atelier d’art ont vu leur durée de séjour à l’hôpital réduite de trois jours en moyenne comparativement à ceux qui n’y avaient pas eu accès. L’étude démontre également que cette activité d’art-thérapie valorise l’individu et la famille, tout en favorisant des interactions plus positives des patients avec leur famille et l’équipe soignante. Pour reprendre les mots du docteur Beauchet, « l’art s’avère un vrai booster de réhabilitation et de prise en charge médicale ».
De plus, l’intégration de l’art dans les soins hospitaliers de court séjour gériatrique permettrait de générer des économies de l’ordre de 150 000 $ par année avec la mise en place d’une activité d’art inclusif hebdomadaire.
Et qu’en est-il de l’effet de l’art sur le taux de mortalité ? L’équipe du docteur Beauchet s’est penchée sur la question dans le cadre d’une seconde étude de cas-témoin, incluant cette fois 128 personnes atteintes d’un trouble neurocognitif majeur (TNC) et hospitalisés dans un service de court séjour gériatrique. Au terme de l’étude, l’équipe a démontré que l’art-thérapie permettait de réduire la mortalité de ces patients en cours d’hospitalisation et le nombre de plaintes des familles, tout en améliorant le ressenti des soignants, en particulier en ce qui concerne les interactions avec les familles.
Dans le deuxième article de la série, le docteur Beauchet discutera des effets de la muséothérapie sur la santé et du potentiel de la prescription muséale.
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