Aliments fermentés et bienfaits pour la santé

Kathryn Adel, M.Sc, Dt.P, CSSD Nutritionniste chez SOSCuisine.com, spécialisée en nutrition sportive et gastro-intestinale
4 Décembre 2025

La fermentation faisait partie intégrante de l’alimentation de nos ancêtres partout dans le monde pendant des siècles1. Toutefois, avec l’urbanisation, l’arrivée de méthodes modernes de conservation et la popularisation des aliments ultra-transformés, la consommation d’aliments fermentés a nettement diminué, notamment dans plusieurs pays industrialisés comme le Canada et les États-Unis1. Aujourd’hui, un nombre croissant d’études montre que la fermentation ne sert pas seulement à préserver les aliments, mais qu’elle offre également de nombreux bienfaits pour la santé.

Qu’est-ce qu’un aliment fermenté1?

Les aliments fermentés sont des aliments ou des boissons résultant de l’action de micro-organismes (tels que les bactéries, les levures ou les moisissures) qui décomposent les aliments en l’absence d’oxygène, modifiant ainsi leur composition chimique et créant des sous-produits (ex. acides organiques, alcool, gaz, dioxyde de carbone, postbiotiques). L’accumulation de sous-produits  crée un environnement favorable aux micro-organismes bénéfiques, empêche la prolifération des agents pathogènes et prévient la détérioration des aliments. C’est pourquoi les aliments fermentés se conservent plus longtemps et développent des saveurs acidulées, piquantes ou pétillantes. Il existe des centaines d’aliments fermentés présents dans diverses cultures à travers le monde, incluant le kimchi, la choucroute, le kéfir, le miso, le tempeh, le natto, le kombucha et le pain au levain.

La fermentation peut générer de nouveaux composés bénéfiques dans les aliments. Lors de la fermentation, les bactéries synthétisent des vitamines et d’autres composés bioactifs. Par exemple, les bactéries présentes dans les aliments fermentés peuvent produire des vitamines B (comme les folates, la vitamine B12 et la riboflavine) et de la vitamine K au cours de leur croissance. De même, certains légumes fermentés présentent des teneurs accrues en vitamine C. La fermentation améliore également la biodisponibilité de certains nutriments, les rendant plus assimilables. Par exemple, la fermentation du pain au levain dégrade les phytates, permettant ainsi une meilleure absorption du fer, du zinc et du magnésium par l’intestin. Finalement, la fermentation peut améliorer la digestibilité de certains aliments, notamment en réduisant leur teneur en FODMAP qui sont des sucres fermentescibles. Par exemple, le pain au levain est plus faible en FODMAP que le pain régulier et ainsi plus facile à digérer pour les personnes ayant le syndrome de l’intestin irritable.

Postbiotiques et « probiotiques zombies »2

Les postbiotiques sont les produits que les bonnes bactéries (probiotiques) fabriquent lorsqu’elles mangent et se multiplient, tels que des métabolites anti-inflammatoires, des fragments cellulaires, des acides gras à chaîne courte et des enzymes. Même si la cuisson ou la pasteurisation détruisent les bactéries vivantes, les postbiotiques, eux, persistent. Ces substances peuvent avoir des effets bénéfiques pour la santé même lorsque les bactéries elles-mêmes ne sont plus vivantes. Mais les scientifiques ont découvert que même les bactéries mortes elles-mêmes peuvent être bénéfiques. Ces postbiotiques “zombies” peuvent encore moduler le système immunitaire, renforcer la barrière intestinale et réduire l’inflammation.

Ainsi, les aliments fermentés cuits ou pasteurisés sont tout de même bénéfiques pour la santé. Prenons l’exemple du pain au levain. Le levain cru contient des bactéries lactiques et des levures vivantes. Pendant la fermentation de la pâte, les bactéries produisent des postbiotiques comme des acides organiques, des enzymes, des vitamines, et des métabolites qui modifient la texture, la digestibilité et la durée de conservation. Pendant la cuisson, les bactéries et levures meurent, mais leurs fragments de paroi, protéines, peptides, ADN et autres composantes restent présentes dans le pain. Ces morceaux peuvent encore moduler la réponse immunitaire, avoir un effet bénéfique sur la digestion et nourrir indirectement le microbiote. Bref, les bactéries mortes demeurent utiles : c’est ce qu’on appelle de façon imagée des “probiotiques zombies”.

Aliments fermentés, microbiote intestinal et inflammation

Une étude clinique réalisée à l’université de Stanford en Californie a évalué les effets d’une diète riche en fibres versus une diète riche en aliments fermentés sur le microbiote intestinal et l’inflammation3. Pour ce faire, 39 participants ont été randomisés en 2 groupes et ont suivi une diète pendant 10 semaines. Les sujets suivant la diète riche en fibres ont augmenté leur consommation de fibres à une moyenne de 45 g/jour, alors que les sujets suivant la diète riche en aliments fermentés ont augmenté leur consommation d’aliments fermentés à une moyenne de 6 portions par jour. Les deux diètes ont été associées à une plus grande diversité du microbiote (c’est-à-dire un plus grand nombre de différentes bonnes bactéries dans l’intestin) et une diminution de divers marqueurs inflammatoires, mais les effets étaient plus marquants avec la diète riche en aliments fermentés.

Aliments fermentés et maladies cardiométaboliques

Selon une méta analyse incluant dix études de cohorte (total de 385 122 participants), la consommation de produits laitiers fermentés est associée à une diminution du risque de maladies cardiovasculaires4. Une autre revue systématique et méta-analyse réalisée à partir de données issues de 18 études contrôlés randomisés (total de 843 participants) a évalué les effets des aliments fermentés chez des patients atteints de diabète et de prédiabète5. Les résultats combinés ont montré une réduction significative de la glycémie à jeun, de l’indice HOMA-IR (évaluation du modèle homéostatique de la résistance à l’insuline), du cholestérol total, du cholestérol LDL et de la pression artérielle diastolique dans le groupe d’intervention par rapport au groupe témoin. Les résultats de ces recherches indiquent que la consommation d’aliments fermentés a le potentiel d’améliorer la santé cardiométabolique.

Aliments fermentés et gestion du poids

Certaines preuves suggèrent qu’en améliorant l’équilibre et la diversité du microbiote intestinal, la consommation d’aliments fermentés est associée à un risque moindre d’obésité6. Un déséquilibre intestinal (dysbiose) peut conduire à une inflammation chronique et à une perméabilité intestinale accrue, deux facteurs favorisant le stockage des graisses. Les métabolites produits par les bactéries des aliments fermentés semblent pouvoir influencer les gènes et hormones qui contrôlent le stockage des graisses, la sensibilité à l’insuline, et l’appétit. Dans des études animales et quelques études cliniques de petite envergure, certains aliments fermentés ont été associés à une réduction du gain de poids, de la masse grasse ou des graisses stockées, mais d’autres études de plus grande envergure à plus long terme chez les humains sont nécessaires pour vérifier ces effets6.

Des études ont montré que le kimchi et les bactéries lactiques qui en sont issues peuvent exercer des effets anti-obésité chez l’animal et chez l’humain7. Ces effets seraient attribuables à la modulation du métabolisme lipidique et de plusieurs enzymes dans le foie et les tissus adipeux, ainsi que de divers biomarqueurs sériques. L’augmentation de la présence d’Akkermansia, de Lactobacillus et de Bifidobacterium dans le microbiote intestinal (qui sont des bactéries bénéfiques), le maintien d’un ratio équilibré entre Bacteroidetes et Firmicutes, la promotion de la production d’acides gras à chaîne courte et la réparation de la perméabilité intestinale sont autant de processus pouvant contribuer aux bienfaits anti-obésité du kimchi. Par contre, il semblerait que les effets des bactéries lactiques et des métabolites du kimchi soient dose-dépendants et spécifiques à la souche.

Effets indésirables possible des aliments fermentés7

Pour la majorité des gens, les aliments fermentés sont sécuritaires et bénéfiques. Toutefois, certains peuvent présenter des risques lorsqu’ils sont consommés en grande quantité ou lorsqu’ils sont mal préparés. Certains aliments fermentés, notamment la viande séchée et le poisson fermenté, peuvent produire des nitrosamines dans l’organisme, lesquels ont été associés à un risque accru de cancer.  Les amines biogènes (ex. histamine, tyramine) sont produites naturellement pendant la fermentation. Chez les personnes plus sensibles (par exemple, qui ont une intolérance à l’histamine) ou prenant certains médicaments, elles peuvent causer des effets indésirables tels que des maux de tête, rougeurs, palpitations, hypertension et réactions pseudo-allergiques.

En conclusion

En conclusion, la consommation régulière d’aliments fermentés, en venant compléter une alimentation variée et équilibrée, peut procurer des bénéfices sur la santé en optimisant le microbiote intestinal, renforçant le système immunitaire, réduisant l’inflammation, et en agissant dans la prévention de maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiovasculaires et l’obésité.


SOSCuisine.com est une plateforme de thérapie nutritionnelle, qui offre une large gamme de menus spécialisés, conçus par nutritionnistes, pour une trentaine de conditions médicales et autres besoins. Le service est recommandé par plusieurs organismes du secteur de la santé, dont le CHUM et le Centre EPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal.
Pour voir ou essayer ces menus, cliquez ici afin de vous inscrire gratuitement au service PREMIUM de SOSCuisine.com offert avec votre adhésion à Médecins francophones du Canada.
Médecins francophones du Canada et SOSCuisine.com ont aussi développé un carnet de prescription alimentaire pour vous permettre d’aider vos patients; cliquez ici pour en savoir plus.


Références

  1. Chilton, Burton et Reid (2015) Inclusion of fermented foods in food guides around the world. Nutrients; 7(1): 390–404.
  2. Salminen et al (2021) The International Scientific Association of Probiotics and Prebiotics (ISAPP) consensus statement on the definition and scope of postbiotics.  Nature Reviews Gastroenterology & Hepatology; 18(9): 649–667.
  3. Wastyk et al (2021) Gut-microbiota-targeted diets modulate human immune status. Cell; 184 :4137–4153.
  4. Zhang et al (2020) Fermented dairy foods intake and risk of cardiovascular diseases: A meta-analysis of cohort studies. Crit Rev Food Sci Nutr;60(7):1189-1194.
  5. Zhang et al (2024) Fermented foods and metabolic outcomes in diabetes and prediabetes: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Crit Rev Food Sci Nutr;64(26):9514-9531.
  6. Jalili, Nazari et Magkos (2023) Fermented Foods in the Management of Obesity: Mechanisms of Action and Future Challenges; Int J Mol Sci;24(3):2665.
  7. Sharma et Lee (2024) Revisiting the potential anti-obesity effects of kimchi and lactic acid bacteria isolated from kimchi: a lustrum of evidence. Journal of Ethnic Foods;11:36.
  8. Fei, Voo et Chen (2020) Bioactive peptides from food fermentation: a comprehensive review of their sources, bioactivities, applications, and future development. Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety; 19(6): 3825–3885.
  9. Leeuwendaal et al (2022) Fermented foods, health and the gut microbiome. Nutrients; 14(7): 1527.

 

>Découvrir d’autres articles de notre partenaire SOSCuisine
>Voir tous les articles