Fondé il y a près de 30 ans, le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ) est plus que jamais pertinent. Et sa mission, venir en aide dans le plus grand respect de la confidentialité aux médecins, résidents et étudiants en médecine qui éprouvent des difficultés personnelles, d’autant plus à propos que la croissance des demandes, depuis cinq ans, atteint 45%. Dre Anne Magnan, directrice générale du PAMQ, dresse un portrait de la situation.
Responsabilité partagée
Alors que le PAMQ vient de déposer son rapport annuel 2018-2019, les données tracent un portrait alarmant de la détresse des médecins. Malgré la croissance phénoménale des demandes depuis les cinq dernières années, qui se chiffrent à 84% chez les médecins de famille et à 83% chez les spécialistes, Dre Anne Magnan n’est pas tant préoccupée par le fait que les médecins consultent, que par le manque de financement de l’organisme qu’elle dirige. « Évidemment, la détresse des médecins est inquiétante. Heureusement, il est de moins en moins tabou de consulter. Et nous nous sommes dotés, comme communauté médicale, d’un outil formidable : un programme de soutien par les pairs. » Mais si le service est gratuit pour les bénéficiaires, il faut pourtant le financer pour que le PAMQ puisse jouer son rôle à la hauteur de sa mission.
Le PAMQ tire ses revenus principalement du soutien des différentes fédérations qui sont elles-mêmes appuyées par le gouvernement. « Les subventions sont fixes et ne tiennent pas compte de l’importante hausse des demandes ». Bref, l’organisme d’aide peine à boucler son budget. « Cette année, la campagne de financement de notre fondation n’a pas permis d’aller chercher ce que nous souhaitions, et c’est ce sur quoi nous comptions pour pallier le manque à combler ». Un obstacle qui, selon la directrice générale du PAMQ, vient entre autres de la méconnaissance du rôle de l’organisme. Le PAMQ offre des services diversifiés, de la prévention à la recherche, en passant, évidemment par l’intervention individuelle ou de groupe en cas de détresse, d’erreur médicale, de plainte, de poursuite, de processus disciplinaire ou de situations de crise qui ébranlent psychologiquement l’individu ou toute une équipe.
Elle rappelle que la qualité des soins est indéniablement liée à la santé des soignants. « Tout le monde reconnaît la raison d’être du programme. Mais les gens oublient que c’est une responsabilité partagée. Nos fonds ne sont tout simplement pas suffisants pour que nous puissions assurer pleinement notre mission » lance Dre Anne Magnan.
La souffrance des soignants
Devant la hausse alarmante des demandes d’aide au PAMQ, Dre Anne Magnan se désole que les soignants soient si souffrants. « Devant autant de gens qui souffrent, il faut constater que ce ne peut être qu’une question individuelle : il y a un problème organisationnel qui fait que les médecins se sentent dépassés, coincés. »
On s’en doute, il n’y a pas de solution simple et facile. Heureusement, Dre Anne Magnan observe, depuis deux ou trois ans, une volonté réelle d’aborder cet enjeu préoccupant. « Il y a de la recherche en cours. Et tout le monde s’entend sur le fait que les organisations, dans leur forme actuelle, contribuent à la souffrance des professionnels de la santé. » La situation, qui ne semble pas s’améliorer, inquiète d’ailleurs les assureurs qui s’intéressent précisément à la détresse des médecins. « Tout le monde se demande ce qui se passe », explique la directrice générale. « Au PAMQ, nous ne pouvons pas alléger la souffrance, mais nous pouvons soutenir ceux qui nous approchent. Il y a toutes sortes de causes à la détresse, mais il y a une chose qu’il faut solutionner ensemble, rapidement : l’impact du milieu organisationnel. Car il est actuellement une grande source de détresse. »
Par ailleurs, Dre Anne Magnan soulève un autre enjeu, tout aussi fondamental: la connaissance et son utilisation. « Les médecins connaissent les outils, ils les proposent à leurs patients en détresse! Mais ils ont de la difficulté à transposer les approches de traitement à eux-mêmes. Comme s’ils n’y pensaient pas. » Avec humilité et humour, la directrice du programme d’aide avoue qu’elle-même, malgré ses connaissances et son expérience du terrain, n’a pas toujours les bons réflexes. « Oui, c’est toujours plus facile pour moi de prioriser le travail… plutôt que l’exercice et le bien-être! Mais je m’exerce à mettre les bonnes habitudes en pratique! »
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Une reconnaissance qui dépasse les frontières
Depuis ses débuts, le PAMQ a évolué, mais « par rapport aux demandes, pas dans sa manière de faire », précise Dre Anne Magnan. Particulièrement fière du chemin parcouru, elle souligne qu’aujourd’hui, nombre d’institutions s’intéressent de plus en plus au travail de l’organisme. « On nous interpelle parce que l’expertise de notre offre est unique. Nous avons récemment reçu des collègues français qui désirent mettre en place notre programme, c’est impressionnant », s’exclame la directrice générale. « Trente ans après sa création, le PAMQ est perçu comme un outil qui fait une réelle différence. Alors, oui, nos défis sont immenses, particulièrement en ce qui concerne le financement, mais la force de cette reconnaissance est porteuse de grandes opportunités. »