Qu’ils travaillent en clinique ou en milieu hospitalier, les médecins ne sont pas épargnés par les défis de gestion. Pourtant, aucun cours au cursus ne prépare les étudiants en médecine à la gestion concrète de leur future pratique. Afin de les soutenir et de combler ce besoin, Médecins francophones du Canada offre désormais une activité d’évaluation de l’exercice de la pratique de gestion, le programme de coaching individuel développée spécifiquement pour les médecins gestionnaires ou intéressés par la gestion. Ce programme donne droit à 15 heures d’activité d’évaluation de l’exercice reconnue. Le Dr Serge Bergeron et son coach, Rachel Fournier, témoignent de l’expérience.
Question de gestion
Pour nombre de médecins, dont la formation initiale ne les prépare pas à la gestion, les différents rôles qui peuvent les mener à diriger des équipes peuvent être déstabilisants et certains se sentiront démunis devant des situations pour lesquelles ils ne se sentent pas convenablement outillés. « La gestion, c’est tout un monde! En tant que médecins, nous avons acquis des connaissances phénoménales sur le corps humain, sur la relation avec le patient également. Mais lorsque nos responsabilités évoluent vers la gestion, quelles qu’elles soient, de nouveaux apprentissages sont nécessaires », croit le Dr Serge Bergeron, dont les fonctions ont alterné entre la clinique et la gestion ces dernières années.
« La gestion m’a toujours intéressé. Je me souviens, étudiant, dans mes stages en gériatrie, on parlait beaucoup d’interdisciplinarité, des stages qui ont grandement influencé ma carrière. Grâce à ces stages, j’ai été conscient de l’importance de la collaboration entre les différentes spécialités et avec tous les professionnels de la santé. Durant ma carrière, j’ai aussi été amené à m’intéresser aux trajectoires de soins et aux continuums, entre autres à cause de mes implications en réadaptation en déficience physique et en gériatrie, ainsi que dans mon rôle de médecin conseil. Malheureusement, le cursus en médecine n’inclut pas de formation en gestion. Tout ce qui implique l’écosystème, le savoir-être, la gestion de conflits, le leadershiop, par exemple, il faut trouver une manière de développer nos compétences », ajoute le directeur des services professionnels et des services multidisciplinaires du CRSSS de la Baie-James.
Le coaching est une avenue qui permet de réfléchir et de travailler à ces apprentissages essentiels à la gestion. « Comme médecin, nous avons appris à appliquer nos connaissances et les bonnes pratiques. En gestion, elles sont évidemment utiles, mais il faut les conjuguer avec d’autres éléments. Et surtout, il y a des réalités qui sont parfois très différentes de la théorie! Dans nos interactions, la plupart du temps, il importe d’adapter ces bonnes pratiques à la réalité concrète à laquelle nous faisons face », souligne le Dr Serge Bergeron.
Un accompagnement dans la confiance
Développé en étroite collaboration avec HEC Montréal et conçu pour les besoins particuliers des médecins, le programme de coaching de Médecins francophones du Canada se déploie en cinq étapes : préparation et réflexion (travail personnel), débriefing (première séance de coaching), élaboration d’un plan individuel de développement (travail personnel et séances de coaching), actualisation et consolidation, bilan de la démarche. L’entièreté de la démarche se veut flexible et adaptée au participant.
« Ce programme créé par Médecins francophones du Canada est un cadre solide. Mais au-delà, il y a un ingrédient essentiel à l’accompagnement : la confiance. La relation de confiance, l’ouverture de l’un et de l’autre, permettent de questionner la personne, de l’amener à voir des angles morts qu’elle n’aurait pas eu l’occasion d’explorer. Les médecins sont des gens hautement scolarisés et mon rôle est de leur permettre d’exploiter ce formidable potentiel qui est le leur », explique Rachel Fournier, coach certifiée. Le rôle du coach est, en quelque sorte, un soutien pour que le participant puisse aller puiser à travers ses connaissances et ses expériences afin de trouver l’aisance dans ses décisions et ses actions en tant que gestionnaire. Cette démarche est un moment privilégié, un temps d’arrêt et de réflexion, nourri par l’échange avec le coach, ainsi que par les lectures et le matériel qu’il partage. « Finalement, c’est s’ouvrir sur des perspectives nouvelles que la personne ne se serait peut-être pas permis de considérer… d’où l’importance de la confiance », ajoute la coach.
On s’en doute, le coaching est un cheminement très personnel et il exige un investissement indispensable à la réalisation des objectifs qu’on se donne. « On part des besoins particuliers du client et le coach ne peut pas aller plus loin que ce que le client dévoile. Le Dr Bergeron était à ce niveau fort généreux! Il avait toujours des situations concrètes, des événements à proposer, autant de points de départ qui nous permettaient de travailler ensemble. Quand on s’investit dans cette démarche, c’est très gratifiant », lance Rachel Fournier avec conviction.
Pour le Dr Serge Bergeron, qui se qualifie d’introverti, la démarche avec son coach l’a certes mené hors de sa zone de confort, mais lui a permis de s’outiller, de se déployer, de faire des découvertes sur lui-même. « Lorsqu’on est de nature discrète, la première heure, ce n’est pas évident! Par nature, je suis davantage dans l’observation et l’analyse. En tant qu’introverti, on ne prend pas spontanément la parole et les gens peuvent croire, à tort, à un manque d’intérêt ou d’engagement », confie le médecin. Mais comme le remarque sa coach, chaque individu porte ses talents propres et le coaching permet de se défaire des étiquettes et de reprendre possession de son potentiel unique.
La découverte de son propre leadership
À travers le programme de coaching, les tests lui permettant de mieux se connaître, les échanges avec sa coach Rachel Fournier et les lectures proposées, le Dr Serge Bergeron a pu définir quel était son style de leadership. « Le Dr Bergeron est un leader consensuel et collaboratif, en ce sens où il réussit à rallier les gens. Mais c’est un leadership qui exige du temps », confie la coach. « Comme j’aime expliquer à mes coéquipiers où on s’en va et pourquoi, c’est vrai que c’est plus long, mais c’est à mon avis plus solide et bénéfique, car cela suscite l’engagement. J’ai découvert que je suis plus à l’aise dans un leadership d’influence, plutôt que dans un style directif. Il faut également trouver le bon milieu, l’environnement où déployer son potentiel en cohérence avec ses valeurs », juge le participant.
Le coaching permet de « défaire des nœuds », selon l’expression de Rachel Fournier. En approchant les événements sous un autre angle, guidé par le coach, le médecin interpellé par la gestion est proactif dans sa volonté de poursuivre son développement. « D’une certaine manière, c’est aussi une protection pour les médecins qui s’engagent dans la gestion, car on peut s’épuiser professionnellement sans les bons outils », souligne le Dr Serge Bergeron. Comme bien des médecins habitués à la performance, le directeur des services professionnels et des services multidisciplinaires du CRSSS de la Baie-James confie avec sincérité s’être lui-même lancé dans le coaching avec une approche qui frôlait l’anxiété de performance. « On cherche les bonnes réponses, alors qu’il n’y en a pas. On a aussi l’impression de dévoiler des faiblesses, alors que ça prend du courage. Mais le plus extraordinaire, et on le sent vite, c’est que le coach est là pour accueillir. Il n’est pas dans le jugement! C’est réellement une démarche que j’encourage », conclut le Dr Serge Bergeron.