Stévia et autres édulcorants, de bons choix pour la santé?

Kathryn Adel, M.Sc, Dt.P, CSSD Nutritionniste chez SOSCuisine.com, spécialisée en nutrition sportive et gastro-intestinale Novembre 2023
3 novembre 2023

Les édulcorants sont des substituts de sucre qui procurent un goût sucré mais avec très peu ou pas de calories grâce à leur pouvoir sucrant élevé. On les retrouve couramment dans divers aliments transformés tels que les boissons diètes, les yogourts sans sucre et les produits pour sportifs (ex. barres, “shakes” et poudres de protéines). Les aliments et boissons contenant des édulcorants portent parfois la mention “sans sucre” ou “diète” sur l’emballage.

Il existe six édulcorants approuvés comme additifs alimentaires au Canada et aux États-Unis, soit  l’aspartame (Equal, Sugar Twin), l’acésulfame-K, la saccharine, le sucralose (Splenda), le néotame et l’advantame.

Il y a aussi les sucres alcools (aussi appelés polyols), qui contiennent moins de calories que le sucre. Ils sont ajoutés dans divers suppléments, médicaments, pastilles pour la gorge, gommes à mâcher et aliments préemballés. Ils incluent le sorbitol, le xylitol, le lactitol, le mannitol, l’érythritol, le maltitol et l’isomalt.

Finalement, certains édulcorants sont dits “naturels” parce qu’ils proviennent d’une plante, comme les glycosides de stéviol (ex. stévia et truvia) ou d’un fruit, comme le fruit du moine et l’allulose.

Pour plus d’informations sur les différentes sortes d’édulcorants, lisez cet article.

Recommandations de l’OMS

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié des lignes directrices sur la consommation de sucre en 2015, recommandant aux adultes et aux enfants de réduire leur consommation quotidienne de sucres ajoutés à moins de 10 % de leur apport énergétique total. Suite à cette recommandation, l’intérêt pour les substituts de sucre s’est intensifié.

Les substituts de sucre sont couramment utilisés dans les produits destinés aux adeptes des diètes cétogènes et faibles en glucides, aux personnes diabétiques de même que dans les suppléments alimentaires destinés aux sportifs. Bien qu’ils soient approuvés par les autorités réglementaires telles que Santé Canada, le Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis et l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), leurs effets sur la santé à long terme demeurent controversés.

Un rapport très récent de l’OMS (mai 2023) déconseille l’utilisation des substituts de sucre, même ceux qui sont naturels comme le stévia1. Cette recommandation est basée sur les résultats d’une revue systématique incluant 283 études dont deux essais contrôlés randomisés et des études observationnelles. Les résultats suggèrent que l’utilisation des édulcorants n’est pas bénéfique pour la perte de poids ou pour réduire l’apport calorique. Les études ont aussi révélé une faible augmentation du risque de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, d’accident vasculaire cérébral, de maladies cardiaques, de cancer et de décès précoce avec l’utilisation des édulcorants. L’OMS recommande plutôt d’envisager d’autres moyens de réduire sa consommation de sucres ajoutés, par exemple en consommant des aliments avec des sucres naturels comme des fruits ou en réduisant graduellement la quantité de sucre qu’on ajoute dans les boissons et aliments pour s’habituer à un goût moins sucré.

Édulcorants et poids corporel2

Plusieurs grandes études de cohorte ont trouvé une corrélation positive entre l’utilisation d’édulcorants et la prise de poids. Une étude menée auprès de 3 682 adultes sur une période de 8 ans a montré qu’une consommation de plus de 21 boissons diètes par semaine (versus aucune) était associée à un risque presque doublé de surpoids ou d’obésité3.

Il a été postulé que le fait que les édulcorants aient un goût très sucré, sans procurer de calories, peut entraîner une activation partielle mais incomplète des voies de récompense alimentaire, ce qui peut stimuler davantage le comportement de recherche de nourriture4,5. Ainsi, il est possible que les édulcorants puissent augmenter l’appétit et la motivation à manger, de même qu’encourager les envies sucrées et la dépendance au sucre provenant d’autres aliments.

Cependant, les études au sujet des édulcorants et de la gestion du poids corporel demeurent controversées.

Érythritol et maladies cardiovasculaires

Une étude récente menée par des chercheurs de la Cleveland Clinic, aux États-Unis, a fait beaucoup jaser dans les médias puisqu’elle a révélé que l’érythritol, un édulcorant de la catégorie des polyols, était associé au risque de maladies cardiovasculaires en favorisant la coagulation sanguine6. Selon l’étude, les personnes présentant des facteurs de risque de maladies cardiaques, tels que le diabète, étaient plus susceptibles de subir une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral  ou de mourir d’une maladie cardiovasculaire au cours des trois années suivantes si elles avaient des taux d’érythritol élevés dans leur sang.

Cependant, il faut savoir que l’étude en question avait aussi quelques faiblesses. Entre autres, le taux d’érythritol dans le sang n’est pas seulement influencé par la consommation alimentaire d’érythritol, car il est également produit par notre corps dans le cadre du métabolisme des glucides. L’étude n’a pas analysé l’alimentation des sujets et n’a pas mesuré quelle quantité de cet édulcorant les sujets avaient consommé. Bref, bien qu’on ne puisse pas confirmer de lien de causalité, on peut conclure qu’il existe un risque potentiel.

Dans une large cohorte de 102 865 adultes français, les édulcorants (notamment l’aspartame et l’acésulfame-K) étaient associés à un risque global accru de cancer chez les consommateurs qui en consommaient en grande quantité par rapport aux non-consommateurs7.

Édulcorants et diabète de type 28

Les données globales provenant de méta-analyses, de revues systématiques, d’études cliniques et d’études observationnelles n’ont pas montré de lien fort et clair entre la consommation d’édulcorants et le développement du diabète de type 2. Cependant, plusieurs études observationnelles ont montré une relation positive entre ces deux variables. Aucun édulcorant spécifique ne semble être plus fortement associé au développement du diabète de type 2 que les autres. L’ingestion d’édulcorants pourrait entraîner la libération d’insuline par le pancréas qui serait alors confondue avec du glucose en raison de son goût sucré. Cela augmenterait les niveaux d’insuline dans le sang, entraînant finalement une diminution de l’activité des récepteurs en raison de la résistance à l’insuline.

Édulcorants et microbiote intestinal9

Plusieurs édulcorants incluant la saccharine, le sucralose et le stévia ont été identifiés comme pouvant affecter la composition du microbiote intestinal. L’ingestion de saccharine pourrait  affecter la tolérance au glucose et favoriser une dysbiose intestinale. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour clarifier ces observations préliminaires, pour déterminer si les changements observés dans le microbiote intestinal chez les animaux sont présents chez l’homme et pour étudier les effets des édulcorants pour lesquels aucune preuve n’est disponible jusqu’à présent.

Édulcorants et pollution des eaux10

Les édulcorants ont été identifiés comme des polluants environnementaux émergents. Ils résistent aux procédés de traitement des eaux usées et sont ainsi continuellement introduits dans les milieux aquatiques. Plusieurs études environnementales ont confirmé la présence élevée d’acésulfame-K, de saccharine et de sucralose dans le cycle de l’eau. Des concentrations élevées de ces édulcorants peuvent être retrouvées dans les eaux de surface, les aquifères souterrains et les eaux potables.

En conclusion

Actuellement, il n’existe toujours pas de consensus concernant les conséquences sur la santé de la consommation d’édulcorants, car ils n’ont pas été entièrement étudiés et les études disponibles sont contradictoires. Une consommation élevée d’édulcorants a été associée à des effets indésirables potentiels sur la santé  incluant une augmentation du risque de de cancer, d’obésité, de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2.

À la lumière de ces études, il serait prudent d’éviter une consommation excessive d’édulcorants. Pour ce faire, il faut modifier ses habitudes alimentaires à long terme. Voici quelques conseils pour aider à diminuer sa consommation de sucres ajoutés et d’édulcorants :

  • Entraîner ses papilles gustatives à un goût moins sucré en réduisant progressivement l’ajout de sucre et d’édulcorants dans les boissons et aliments
  • Inclure une source de protéines et de fibres à chaque repas et collation pour favoriser la satiété et limiter les grandes fluctuations de la glycémie qui peuvent augmenter les envies de sucre.
  • Limiter les aliments ultra-transformés et choisir plutôt des aliments entiers avec peu ou pas de sucres ajoutés
  • Aromatiser son eau avec des saveurs naturelles comme des fruits
  • Consommer des fruits en collation ou dessert

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Références
1. Montez et Rios-Leyvraz (2022). Health effects of the use of non-sugar sweeteners: a systematic review and meta-analysis. World Health Organization; 202 pages.
2. Mooradian, Smith et Tokuda (2017) The role of artificial and natural sweeteners in reducing the consumption of table sugar: A narrative review. Clinical Nutrition ESPEN; 18:1e8.
3. Fowler et al. (2008) Fueling the obesity epidemic? Artificially sweetened beverage use and long-term weight gain. Obes (Silver Spring);16:1894e900.
4. Burke et Small (2015). Physiological mechanisms by which non-nutritive sweeteners may impact body weight and metabolism. Physiol Behav;152(Pt B):381e8.
5. Yang (2010). Gain weight by “going diet?” Artificial sweeteners and the neurobiology of sugar cravings. Yale J Biol Med;83:101e8.
6. Witcowski et al. (2023) The artificial sweetener erythritol and cardiovascular event risk. Nature Medicine; 29:710–18.
7. Debras et al. (2022) Artificial sweeteners and cancer risk: Results from the NutriNet-Sante ́ population-based cohort study. PLoS Med 19(3): e1003950.
8. Manavalan, Shubrook et Young (2021) Consumption of Non-nutritive Sweeteners and Risk for Type 2 Diabetes: What Do We Know, and Not? Current Diabetes reports; 21:53.
9. Ruiz-Ojeda et al. (2019) Effects of Sweeteners on the Gut Microbiota: A Review of Experimental Studies and Clinical Trials. Adv Nutr;10:S31–S48.
10.Harpaz et al. (2018) Measuring Artificial Sweeteners Toxicity Using a Bioluminescent Bacterial Panel. Molecules;23: 2454.