Pensouillard le hamster Ou comment calmer ce tapage dans votre tête (2/3)

Claudine Auger
10 janvier 2020

Spécialisé en santé communautaire, fondateur de T.O.R.T.U.E. – organisation pour réduire les tensions et l’usure en entreprise, conférencier et auteurs de plusieurs livres traduits dans de nombreuses langues, le Dr Serge Marquis a le don de la parole. Lorsqu’il vous entretient de stress, son humour dédramatise le quotidien et vous calme d’emblée. Trucs pratiques pour conserver le pouvoir sur sa vie. Deuxième capsule d’une série de trois .

Les pelures identitaires

Pensouillard, le hamster qui s’agite, mobilise notre attention sur tout, sauf sur ce qui se passe au moment présent, se nourrissant de nos préoccupations et des menaces ressenties. Habitude intuitive privilégiée pour faciliter notre survie depuis l’aube de l’humanité, le cerveau favorise les menaces comme centre de son attention. Prenons toutefois conscience qu’aujourd’hui, la menace du fauve terrifiant a cédé sa place à la menace à l’ego.

Symbole de notre modernité, l’ego n’a pas toujours eu la place qu’on lui accorde dans un monde glorifiant les égoportraits. « On parle sans cesse de l’ego, mais il n’a pas toujours été présent : il est apparu dans un processus évolutif d’identification, à une lointaine époque où l’humain a commencé à délimiter son territoire pour survivre. À partir de là, nous avons élaboré des concepts, associé le territoire à autre chose que la survie… comme quelque chose de distinctif. Ainsi, “je suis mon territoire, je suis ce que je possède”. » Voilà selon Serge Marquis ce qui construit nos nombreuses pelures identitaires.

Le conférencier cite en exemple l’essayage d’un vêtement dans un magasin : devant les compliments de la vendeuse qui vous assure qu’il vous va à merveille, vous l’achetez. De retour à la maison, les éloges cèdent leur place au scepticisme. Devant la moue dubitative du conjoint, il y a rupture. « Vous ressentez alors une menace à votre ego ! »

Recentrer l’attention

En plus de nous identifier à nos avoirs, nous nous identifions à nos activités, nos réalisations, notre travail, nos opinions et nos valeurs, notre image – un terrain difficile à une époque où le bien paraître est armé des réseaux sociaux. « En étant votre image, si elle n’est pas aimée, si elle ne récolte pas les like attendus, l’individu risque l’effondrement. On le constate, notamment, chez les individus qui résistent mal au vieillissement. Nos opinions, autre pelure identitaire qui peut nous mettre en danger : si je suis mon opinion et qu’une autre prévaut sur la mienne, je n’existe plus ! Même chose pour nos croyances : certains sont prêts à mourir pour ça », insiste le Dr Marquis.

Tous ces processus d’identification mènent loin et en prendre conscience est salvateur. Selon le conférencier, nous ne sommes aucune de nos pelures identitaires. Alors, que sommes-nous ? « J’ai cherché longtemps ! Puis, j’ai entendu un jour une psychologue française, Marie de Hennezel, dire : “Il faut découvrir en nous ce qui ne vieillit jamais.” La capacité d’être présent, d’aimer, de s’émerveiller, de savourer, d’apprendre et de transmettre, voilà autant de capacités qui ne vieillissent jamais et dans lesquelles investir. « Comme le cerveau est constamment à l’affût des menaces à nos pelures identitaires, la grande difficulté est de recentrer notre attention : qu’est-ce qui, en moi, est menacé ? Est-ce mon opinion, mon image, une réalisation ? Est-ce que ça menace ma survie ? » Il faut alors cerner la menace pour la désamorcer en misant sur ce qui ne risque pas de s’effriter.