Elle pratique la médecine familiale au Québec depuis trois décennies, en plus de diriger un programme de recherche visant à soutenir la prise de décisions éclairées par les patients. Pour ce faire, elle et son équipe développent des outils et des formations destinées aux équipes cliniques afin qu’elles puissent favoriser la participation active de leur clientèle quant à leur santé. Le parcours et le caractère novateur des travaux de Dre France Légaré méritent présentation.
Les influences qui tracent le chemin
D’une curiosité insatiable, s’intéressant absolument à tout, France Légaré a eu grand mal à faire un choix de carrière. Mais comme l’idée de « construire » lui plaisait particulièrement, elle a entamé ses études universitaires en architecture, après avoir passé une année à apprendre l’anglais à Terre-Neuve. Ensuite est venue la médecine.
Animée encore et toujours par deux passions, apprendre et rencontrer des gens, Dre France Légaré adore étudier. « J’ai toujours posé des questions et essayé d’y répondre. Et mon environnement a grandement valorisé et stimulé cette curiosité. Mes grands-parents, comme bien d’autres à l’époque, avaient des origines modestes et l’éducation était encouragée. C’est de cette manière que l’on parvenait à s’extirper de la misère et que notre société s’est construite », raconte cette native d’Alma qui confie son grand intérêt pour l’histoire du Québec.
La petite France a ainsi pris le chemin de l’école à quatre ans, alors que sa date d’anniversaire a été modifiée sur son baptistère pour hâter son entrée. Jamais son enthousiasme pour l’apprentissage ne s’est essoufflé. Ainsi, après son cours de médecine, elle a entrepris une maîtrise en santé publique et fait la rencontre d’Annette O’Connor, une infirmière qui, par ses travaux, participait au développement du « partage de prise de décision médicale ». Comme le raconte Dre France Légaré, « elle avait une vision révolutionnaire, convaincue de l’importance de se centrer sur le ‘care’ plutôt que le ‘cure’ et, en ce sens, elle prônait une approche où les patients étaient impliqués dans la décision de leur traitement, ayant reçu au préalable les informations utiles quant à leurs besoins, aux risques et aux bénéfices. »
À côtoyer cette pionnière, fascinée par sa manière d’approcher les humains, la chercheuse clinicienne en devenir réalise l’importance de pousser plus loin les recherches sur ce vaste sujet. France Légaré entreprend donc des études doctorales, sous la supervision d’Annette O’Connor, et poursuivant sur cette voie, deviendra professeure au Département de médecine familiale et de médecine d’urgence de l’Université Laval et éventuellement, titulaire de la Chaire de Recherche du Canada niveau 2 puis niveau 1 sur la décision partagée et l’application des connaissances. Elle est également chercheuse régulière au VITAM – Centre de recherche en santé durable et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Le transfert de connaissances, ce pilier essentiel
La prise de décision partagée est une démarche qui s’appuie principalement sur le transfert de connaissances. « Aujourd’hui, tout va très vite et les gens ont accès à un grand nombre de données en quelques clics. Alors, comment recadrer et personnaliser cette information et faire mieux saisir ce qui leur importe le plus en termes de valeurs et préférences? Comment expliquer au patient les différentes options, leurs gains potentiels et leurs risques? C’est ce dont il est question lorsqu’on désire soutenir la prise de décisions éclairées », soutient Dre France Légaré.
Motivée par l’importance de mener toujours plus loin cette vision, la chercheuse clinicienne et son équipe se sont alliées à Médecins francophones du Canada il y a quelques années afin d’obtenir des fonds de recherche. « Nous avions déjà collaboré avec Médecins francophones du Canada, qui est un grand fournisseur de formations de qualité au Canada et qui plus est, un pilier de la langue française en médecine au pays! Et comme l’institut de recherche sur la santé des femmes et des hommes de l’Institut de recherche en santé du Canada (IRSC) était en quête de projets très ciblés sur le transfert de connaissances en lien avec les notions de sexe et de genre, nous avons décidé de mettre en perspective cette thématique en misant sur la particularité du genre et du sexe, et en langue française de surcroît », précise Dre France Légaré, soulignant qu’en anglais, le vocabulaire comporte beaucoup moins de défis quant à la formulation épicène, soit une formulation inclusive.
Le but du projet était d’intégrer en formation la notion de genre et de sexe, une donnée rarement prise en compte dans la pratique. Pourtant, selon la chercheuse clinicienne, « on ne peut pas pratiquer la médecine de la même manière pour un homme et pour une femme ». Si la démarche était complexe, de par son caractère novateur et dû au fait qu’il fallait rassembler des équipes d’horizons divers, avec les divergences de paradigmes que cela implique, il y avait en outre le défi de la participation de patients partenaires. « C’était une négociation continuelle, entre tous ces points de vue, mais c’est ce qui a favorisé l’aboutissement d’un projet riche et prometteur et surtout une expérience humaine de très haute qualité! »
Ainsi, une première formation sur le diabète et la dépression, initialement développée par le Dr Denis Audet, grand complice du projet, fut adaptée sous la lumière du genre et du sexe du patient, et du médecin. « Les participants ont vraiment été interpellés! L’intérêt est manifeste », affirme avec enthousiasme Dre France Légaré, qui espère élargir le concept à d’autres pathologies, comme la cardiologie. « Aborder le patient et les soins selon le genre et le sexe devrait être une norme dans l’approche clinique », conclut-elle.